Un Saoudien méconnu a acquis pour des milliards en immobilier partout au Québec
Avec Vincent Chiara de Groupe Mach, il est propriétaire d'immeubles prestigieux et de centres commerciaux
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Dominique Cambron-Goulet et Jean-François Cloutier
2025-08-07T04:00:00Z
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Un investisseur saoudien méconnu, associé au magnat Vincent Chiara, est discrètement devenu l’un des plus grands investisseurs immobiliers au Québec et pourrait changer le visage de nombreuses villes.
Zaki Alshowaier est un nom pratiquement inconnu au Québec. Pourtant, la famille de cet homme d’affaires saoudien possède, avec des entreprises de Vincent Chiara, pour plus de 3 milliards de dollars d’actifs immobiliers en sol québécois, selon une compilation de notre Bureau d’enquête.
La Place de la Cité et l’édifice Jules Dallaire à Québec, le prestigieux 2001 Mcgill College et l’hôtel InterContinental à Montréal sont au nombre de leurs propriétés.
Photo tirée du SITE WEB ALAMAR.COM
L’association entre Chiara et Alshowaier a commencé dès 2011, mais elle s’est intensifiée dans les dernières années, selon une porte-parole de Mach, Sylvie Rousseau. «Le temps et les bonnes relations de confiance ont fait en sorte que Sarees Investissements [une firme d’Alshowaier au Québec] est maintenant partenaire dans une bonne partie des projets d’investissements de Mach», dit-elle.
Le Complexe Jules Dallaire sur le boulevard Laurier à Québec.Stevens LeBlanc/JOURNAL DE QUEBEC
Tant M. Alshowaier que M. Chiara ont décliné nos demandes d’entrevue. Par contre, la porte-parole de Mach explique que l’homme d’affaires saoudien aurait été attiré ici d’abord parce que ses enfants étudiaient au Québec. Une fiscalité favorable et le fait que le Québec est un leader dans le développement durable l’auraient aussi séduit.
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Jusqu’à récemment, il était toutefois difficile de connaître l’ampleur de son partenariat avec Mach, car les noms de Zaki Alshowaier, de ses fils, ou de son père n’apparaissaient pas au Registre des entreprises dans la majorité des projets où il est impliqué, dont celui des anciens terrains de Radio-Canada.
En 2022, au moment de l’acquisition par Mach d’un important portefeuille d’actifs de la compagnie Cominar, évalué à 1,5 G$, le groupe n’a pas fait mention de M. Alshowaier dans ses communications publiques.
Pourtant, la famille du Saoudien en possède 60%.
Partout au Québec
En grande partie grâce à cette transaction, l’homme d’affaires est devenu copropriétaire des plus importants centres commerciaux de nombreuses villes, dont Longueuil, Trois-Rivières, Shawinigan, Victoriaville, Lévis, Rimouski, Rivière-du-Loup et Sherbrooke.
Le Groupe Mach a déjà entamé des démarches pour convertir plusieurs de ces espaces en logements.
Des discussions sont encours pour construire des immeubles résidentiels allant jusqu'à 10 étages sur les terrains du Carrefour de l'Estrie.Louis-Philippe Bourdeau/TVA/QMI
Le professeur d’urbanisme à l’Université de Montréal Jean-Philippe Meloche estime que ces importants ensembles résidentiels peuvent créer une «nouvelle centralité» dans plusieurs villes.
Selon lui, ces vastes terrains sont parmi les seuls «trous» disponibles pour construire des logements sans détruire des édifices existants et sans faire de l’étalement urbain.
«Les projets sont énormes par rapport aux proportions. Sur le petit carré où il y a un centre d’achat que tout le monde trouve moche, on ramasse tous les étages qu’on n’a pas construits ailleurs», affirme M. Meloche.
Fin mai, Mach annonçait d’ailleurs le projet du Faubourg Langelier, à Saint-Léonard, tout près d’une future station de la ligne bleue du métro de Montréal.
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Au total, 25 000 personnes, soit l’équivalent de la ville de Sept-Îles au complet, viendront s’établir sur ces anciens terrains commerciaux acquis par Chiara et Alshowaier depuis 2020.
Groupe Mach entend construire 5 tours de 17, 20, 20, 22 et 25 étages sur un terrain commercial situé à l'angle de Langelier et Jean-Talon, où verra le jour une station de métro.Photo Le Journal de Montréal / Image tirée des documents de la Ville de Montréal
Poches profondes
«Le Groupe Mach fait partie d’un petit groupe d’entreprises qui a connu un essor important à partir des années 2000 au Québec», souligne Louis Gaudreau, professeur à l’UQAM spécialisé en immobilier.
Selon ce dernier, la caractéristique commune de ces entreprises a été leur capacité à s’associer à des partenaires financiers ayant les poches profondes, comme Alshowaier.
«La forte croissance est associée à des volumes de production beaucoup plus importants que ce qu’on avait l’habitude de voir», dit-il.
Qui est Zaki Alshowaier?
Zaki Alshowaier Photo tirée du site web de Alamar Foods
Sa famille a fait fortune dans l’immobilier, la finance et l’industrie alimentaire, tant en Arabie saoudite qu’à l’international;
Il aurait connu M. Chiara par l’entremise de la Banque HSBC;
Ses deux fils travaillent pour Mach et occupent des postes importants;
En Arabie saoudite, il est directeur général de la firme Alshowaier Investment and Real Estate Development Co;
Il est administrateur des entreprises Alamar Food Companies et Derayah Financial;
Il est vice-président de D360 Bank, une banque numérique conforme à la charia, soutenue par le fonds souverain saoudien du prince Mohammed Ben Salmane;
Son entreprise Vision SH, domiciliée à Dubaï, a prêté 11 M$ à la firme québécoise Lion Électrique avant sa faillite;
M. Alshowaier ne fait toutefois pas partie du groupe d’investisseurs qui a repris le constructeur d’autobus.
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Des risques que l’argent quitte le Québec
Les acquisitions des Alshowaier au Québec s’inscrivent dans une tendance où le marché immobilier d’ici est de plus en plus populaire à l’international, mais un expert s’inquiète de voir les profits partir à l’étranger.
«Le marché québécois est devenu plus attrayant pour des investisseurs qui se tournaient plus vers Toronto et Vancouver jusqu’ici», estime Louis Gaudreau. Considéré encore comme en rattrapage, ce marché offre un potentiel de rendement plus intéressant, selon lui.
Selon l’expert, une succession de politiques au niveau fédéral a aussi eu pour effet, dans les dernières années, d’envoyer à l’international le message selon lequel ce n’était pas risqué d’investir au Canada dans l’immobilier.
Ünsal Özdilek, qui enseigne aussi à l’UQAM, juge cependant qu’il y a lieu de se questionner sur l’endroit où vont les profits générés dans l’immobilier québécois.
« On met la pompe [sur cette richesse] et on envoie l’argent dans d’autres pays. Les gens ne se rendent pas compte, on dort au gaz. »
- Ünsal Özdilek, professeur à l'Université du Québec à Montréal
Courtoisie UQAM
«Sarees Investissements investit chez nous à long terme. Elle contribue à l’économie du Québec et du Canada en investissant des fonds qui demeurent ici», dit pour sa part la porte-parole du Groupe Mach, Sylvie Rousseau.