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L'article provient de Le Journal de Montréal
Affaires

Un salaire réduit selon la région habitée?

Illustration Adobe Stock
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Photo portrait de Daniel Germain

Daniel Germain

2021-08-14T04:00:00Z
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Déménager de Laval à Saint-Didace peut-il avoir un impact sur le salaire, pour un même poste occupé dans la région de Montréal ?

Sûrement pas si l’on se rend au bureau tous les matins, mais il faut prévoir quatre heures de char chaque jour, quand il fait beau. Je veux dire, si on ne bouge pas de Saint-Didace pour accomplir son boulot, si on reste en télétravail à temps plein comme on le fait si bien depuis un an et demi, le boss aurait-il raison de réduire notre salaire ?

C’est la question que soulève en ce moment une décision de Google. L’entreprise californienne a annoncé à certains de ses employés qui fuient New York ou San Francisco qu’ils vont subir une réduction salariale.

L’argument du géant internet : une forme de bonification est prévue dans le traitement du personnel qui doit composer avec les coûts élevés dans ces grandes villes américaines, ceux qui en sortent pour travailler à partir d’une région moins dispendieuse verront donc leur rémunération diminuée.

Si c’est écrit dans le contrat

Si vous croyez que c’est difficile de se loger à Montréal, c’est que vous n’avez pas vu le prix des loyers dans la région de San Francisco, où c’est la surchauffe à la puissance 10, et ce, depuis des années. 

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Le coût de la vie sur la côte dans la Silicon Valley atteint des niveaux démentiels, je ne suis pas surpris qu’une entreprise comme Google puisse offrir une prime pour convaincre d’éventuels ingénieurs ou programmeurs de s’y établir. Je comprends aussi qu’elle retire cet avantage aux employés qui s’installent ailleurs pour bosser de la maison, pour autant qu’au départ, il était entendu qu’une partie du salaire était rattachée au lieu du domicile. 

Et au Québec ? 

Ici, c’est plus cher d’habiter à Montréal qu’à Trois-Rivières, mais les écarts ne justifient pas une bonification salariale.

Si le coût de la vie est plus élevé à Montréal, c’est que les emplois y sont généralement mieux payés. On y reçoit une meilleure rémunération, non pas parce que c’est plus cher d’y faire son nid, mais parce qu’on y trouve une plus large variété d’entreprises, dont des sièges sociaux, des jobs spécialisés et une forte demande pour la main-d’œuvre. Ajouter une prime par-dessus ? 

Déjà que la moitié du Québec vit dans la grande région métropolitaine, lui faut-il vraiment un bonbon pour qu’elle y reste ? En fait, les employés qui empochent des primes liées à l’emplacement sont plus souvent ceux qui s’installent en région éloignée, et ils les perdent une fois revenus en ville.

Je n’affirme pas qu’aucun Montréalais ne reçoit un surcroît de salaire pour pallier le prix des logements plus élevé, c’est sans doute un élément évoqué officieusement lors de négociations salariales, mais ça demeure du cas par cas. 

Et si ça se trouve, ce n’est pas le genre d’avantage que les entreprises accordent à n’importe qui, ce doit être un traitement réservé à du personnel clé. Est-ce que ces employeurs prendraient le risque de perdre des talents chaudement disputés parce qu’ils se déploient depuis Rawdon ? Pour 15 000 $ ? J’ai un doute. 

Je vois mal comment un employeur peut évoquer le coût de la vie de ses salariés pour jouer sur leur rémunération. À ce compte-là, avec l’explosion du prix dans l’immobilier partout au Québec, le personnel aurait le beau jeu de revendiquer des hausses plus importantes que les 2 %-3 % auxquels ils sont habitués. 

Opportunisme ? 

Je ne vois qu’une seule raison pouvant mener une organisation à tenter de réduire la paye des employés en télétravail à temps complet : la disposition de ces derniers à sacrifier une partie de leur revenu pour améliorer leur qualité de vie.

En un mot : opportunisme. 

La semaine dernière, Bloomberg rapportait qu’une majorité d’Américains se disaient d’accord avec une diminution de 5 % de leur salaire si cela pouvait leur permettre de rester en télétravail. 

Si on vous le propose, rappelez-vous pourquoi on vous paye ! Ce n’est pas pour faire acte de présence au bureau ni pour perdre l’équivalent d’une journée par semaine dans le trafic (si c’est le cas, j’ai le regret de vous annoncer que vous faites partie du bois mort). 

Une question pour finir : il est comment, l’internet, à Saint-Didace ? 

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