Un remède de cheval pour Radio-Canada

Guy Fournier
Dans l’intention de mettre fin à la discrimination sous toutes ses formes, Radio-Canada vient de se prescrire un véritable remède de cheval.
C’est Catherine Tait, la PDG elle-même, qui signe l’ordonnance « thérapeutique » de 19 pages. Elle devrait d’ici à 2025 guérir Radio-Canada de tous ses maux discriminatoires et la transformer en société exemplaire. Sans doute pour mieux faire avaler la pilule auprès du réseau français, qui risque d’être plus récalcitrant, Mme Tait illustre son rapport des photos de Céline Galipeau, de Patrick Masbourian et de Cynthia Wu-Maheux, ses vedettes multiculturelles les plus « hot ».
Jusqu’à tout récemment, CBC/Radio-Canada formait à Montréal comme à Toronto une société uniformément blanche, québécoise de souche ou wasp (White Anglo-Saxon Protestant). À l’interne comme à l’écran. Si les femmes en vinrent à prendre de l’importance, c’est que tous les hommes qu’on engagea comme patrons et réalisateurs choisirent des femmes pour les assister. À mesure que les hommes partirent à la retraite, les assistantes occupèrent leur place. Aujourd’hui, grâce au machisme du début, 63 % des postes de direction sont occupés par des femmes.
Des engagements précis
N’empêche que du côté féminin, il reste encore des problèmes auxquels le plan triennal veut s’attaquer. Y a-t-il, par exemple, équilibre entre lesbiennes, queer, transgenres, bispirituelles et hétéros ? Y a-t-il suffisamment de femmes handicapées ? Le nombre de femmes autochtones, noires ou racisées est-il adéquat ?
Ces questions se posent aussi pour les hommes, si bien que le remède de cheval que le diffuseur vient de s’autoprescrire réclamera pour être appliqué intégralement une intrusion sans précédent dans la vie de son personnel, actuel et futur. Malgré les bonnes intentions de l’employeur, j’imagine que les syndicats voudront lui imposer quelques limites.
Quoi qu’il en soit, Radio-Canada s’engage formellement à ce que d’ici à 2025, la moitié (eh ! oui, 50 %) de toutes les personnes qui seront recrutées pour des postes supérieurs soient autochtones, handicapées ou racisées. Pour qu’il n’y ait pas d’équivoque, le rapport précise même qu’une personne racisée signifie une personne qui n’est ni blanche ni d’origine caucasienne. On qualifiait auparavant les « racisés » de « minorité visible », une appellation que le rapport juge périmée !
Tous sont concernés
L’ordonnance ne s’applique pas uniquement au personnel qu’engagera Radio-Canada. Elle touche aussi les créateurs, les artistes, les artisans et les producteurs qui font affaire avec le diffuseur. D’ici à la fin du plan triennal, toutes les émissions de langue anglaise et toutes celles de langue française devront comprendre au moins un rôle créatif d’importance occupé par une personne autochtone, racisée, handicapée ou faisant partie d’une des communautés LGBTQ2+.
La porte de Radio- Canada risque donc d’être plus étroite pour les blancs et les caucasiens au cours des prochaines années. Ce qui n’est que juste, car elle fut longtemps à peine entr’ouverte pour les autres.
Personne de bonne foi ne s’opposera au Plan sur l’équité, la diversité et l’inclusion 2022-2025 que Radio-Canada vient de rendre public. Selon l’expression consacrée par l’usage, on ne saurait être contre la vertu, et c’est vraiment d’un plan hyper vertueux dont il s’agit.
Comme disait avec philosophie le vieux dramaturge romain Sénèque, « toute vertu doit être fondée sur la mesure ». Dans le cas du plan triennal de Radio-Canada, la mesure sera loin d’être facile à respecter. Souhaitons seulement que la diversité et l’inclusion ne s’accomplissent jamais au détriment de la compétence et du talent.