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L'article provient de Le Journal de Montréal
Justice et faits divers

Clercs de Saint-Viateur: des avocats jugés trop gourmands

Un juge bloque une entente d’action collective parce qu’ils réclament trop d’honoraires aux victimes

Photo d'archives, Agence QMI
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Photo portrait de Antoine Lacroix

Antoine Lacroix

2022-07-15T00:13:28Z
2022-07-15T02:55:24Z
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Des victimes d’abus sexuels de la part de religieux se voient pour le moment privées de 28 M$ en dédommagement parce qu’un juge estime que leurs avocats s’en mettent trop dans les poches en chargeant de forts honoraires. 

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« Le Tribunal juge que ces honoraires sont excessifs et surtout qu’ils ne sont pas dans l’intérêt des membres », a soutenu le juge Thomas M. Davis, dans une récente décision. 

En janvier dernier, les centaines de victimes des Clercs de Saint-Viateur pouvaient pousser un soupir de soulagement, alors qu’un règlement totalisant 28 M$ était intervenu, leur évitant ainsi de devoir témoigner lors d’un procès. 

Au total, 420 victimes s’étaient déclarées depuis 2017 et plus de 50 agresseurs avaient été identifiés. 

À lui seul, le père Jean Pilon avait été pointé du doigt par 60 plaignants, selon les avocats qui pilotent le dossier.

Le père Jean Pilon, qui avait été pointé du doigt par 60 plaignants, selon les avocats qui pilotent le dossier.
Le père Jean Pilon, qui avait été pointé du doigt par 60 plaignants, selon les avocats qui pilotent le dossier. Photo d'archives, Agence QMI

Toutefois, plus de 8 M$ devaient être retranchés de la cagnotte afin de payer les honoraires des avocats des victimes, soit 25 % du montant total en plus des taxes applicables et des frais encourus par les avocats tout au long du dossier.

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Un membre de l’action collective s’est opposé à la situation, déplorant que « les honoraires réclamés sont déraisonnables ». 

Plus de 3000 heures

Les avocats des plaignants ont indiqué au tribunal avoir œuvré 3479 heures sur le dossier, à différents taux horaires.

Mais qu’il resterait encore au moins 800 heures à y consacrer. Au total, cela représenterait 1,5 M$. 

Le juge a toutefois estimé que leur prime pour en arriver à accaparer 25 % de l’entente est beaucoup trop élevée.

Ce dernier s’est basé sur d’autres règlements d’actions collectives pour en arriver à cette conclusion, en vertu de la « méthode du facteur multiplicateur ».

Il a reconnu que des calculs de cette envergure s’étaient déjà vus dans le passé, « mais ce n’est pas la norme », a écrit le juge Davis. 

« Cette observation ne remet pas en question le dévouement ou même l’expertise (en partie acquise durant l’action) des avocats du groupe. Ils ont fait un travail remarquable », a-t-il aussi souligné. 

« Respecter la décision »

Contacté par Le Journal, le cabinet Arsenault Dufresne Wee Avocats a indiqué qu’il allait « respecter la décision du juge ».

Me Alain Arsenault
Me Alain Arsenault Photo courtoisie

« On prend acte du jugement, mais nous ne sommes pas d’accord. On va faire en sorte de corriger la situation en diminuant nos honoraires dans le cadre d’une nouvelle entente qu’on veut compléter rapidement », a affirmé Me Alain Arsenault. 

Ce dernier n’était pas en mesure de dire à quelle hauteur allait s’élever leur part du gâteau dans le cadre de cette réduction.

« Il est trop tôt pour annoncer quoi que ce soit, si ce n’est qu’une chose : il y aura une diminution de nos honoraires », a-t-il réitéré, ajoutant qu’il espérait pouvoir faire le tout d’ici quatre semaines.  

Pour les victimes

En réaction à ce jugement, la juge à la retraite Nicole Gibeault a salué la décision du juge Davis.

« Ce sont les victimes qui doivent réellement profiter des montants dans les actions collectives, c’est pour elles que l’argent doit aller », a-t-elle insisté.

Ces propos font écho à ceux du juge en chef de la Cour supérieure, Jacques R. Fournier, qui avait prévenu que les actions collectives peuvent devenir des « centres de profits pour les avocats ».

« Le système n’est pas fait pour profiter aux agents du système. Il est fait pour profiter à la population », avait-il déclaré à notre Bureau d’enquête, appelant le législateur à agir pour améliorer la situation.

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