Un Québécois sur la ligne de front en Ukraine appelle à ne pas oublier ce conflit


Jean-Philippe Guilbault
La communauté internationale ne doit pas se désintéresser du conflit en Ukraine qui «fait encore des victimes et des orphelins», martèle un Québécois qui en est à sa deuxième mission humanitaire en solo sur la ligne de front.
Originaire de Québec, Dereck Blouin-Perry est arrivé en Ukraine le 8 mai et compte y rester un mois afin d’y effectuer des convois alimentaires entre Odessa et Kherson. Cette dernière subit d’importants bombardements de la part de l’armée russe, malgré le retour de civils ukrainiens.
- Écoutez l'entrevue avec Dereck Blouin-Perry, québécois qui est actuellement en Ukraine pour sa deuxième mission humanitaire en solo au micro d’Alexandre Dubé via QUB :
«Quand tu es à Kherson, tu entends les bombardements tous les jours. Et ils ne tombent pas à des kilomètres, c’est tout près», raconte M. Blouin-Perry en entrevue avec Le Journal à partir d’Odessa où il s’approvisionne en denrées. «Ça fait deux fois que j’y vais et je suis toujours incapable de vivre de la peur, parce que tu vois qu’il y a des gens qui vivent là: des enfants, des personnes âgées...»
Les convois alimentaires auxquels il participe amènent des pommes, du gruau, du pain et d’autres plats préparés aux civils coincés sur la ligne de front.

Celui qui est guide en montagne et instructeur de premiers soins de formation assiste les Ukrainiens de son propre chef, sans être affilié à un organisme humanitaire international.
«Il y a une partie de cette guerre-là qui m’a interpellé dès le début avec l’argumentaire russe selon lequel les Ukrainiens n’étaient rien et n’avaient pas de culture», explique-t-il. «Comme Québécois, il y avait de quoi qui venait me chercher dans notre trajectoire historique.»
Il a donc été sur le terrain une première fois entre novembre et décembre dernier.
«C’est déconcertant, déprimant, désolant, lâche-t-il. Ça te fait pleurer toutes les larmes de ton corps.»

Son retour au Canada a été particulièrement difficile puisqu’il n’est pas parvenu à dormir pendant un mois. Il a toutefois décidé d’y retourner en raison de la «gratitude des gens» aidés.
«T’arrives là-bas avec le sentiment de pouvoir faire une différence. Ce n’est pas comme donner 10$ à l’épicerie, illustre-t-il. L’autre jour, je suis arrivé avec deux pommes pour une madame, qui a pleuré de joie.»
La peur ukrainienne
Dereck Blouin-Perry craint toutefois un désintérêt de la communauté internationale pour un conflit qui s’enlise dans l’est ukrainien. Beaucoup de gens au Québec avec qui il a discuté de ses voyages croient à tort que la guerre est même terminée.
«Je sens une certaine peur [des Ukrainiens] que je n’avais pas vue il y a quelques mois. Ils perdent du terrain, le gouvernement est à bout de ressources, de soldats», observe-t-il. Il y a une peur du côté de la population, qui a l’impression que c’est en train de basculer.»
Or, de ce qu’il voit, «la guerre fait encore des victimes, des orphelins, même si l’on en entend moins parler».
C’est ce qui le motive à rester là-bas encore quelques semaines et il invite les Québécois à demeurer généreux puisque «beaucoup de volontaires travaillent fort».
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