Un prof suspendu pour un vidéoclip

Clara Loiseau | Journal de Montréal
Un professeur d’une école secondaire de Châteauguay menant une carrière parallèle de rappeur considère qu'il a été injustement suspendu à la suite d’une plainte déposée à cause d’un de ses clips vidéo.
«Pour moi ça ne fait pas de sens, c’est une attaque envers moi, ma personne, mon nom et mon art, et c’est totalement injustifié», laisse tomber Chad Ashe, enseignant à l’école Gabrielle-Roy, à Châteauguay, et rappeur.
Depuis le vendredi 12 novembre 2021, l’homme de 34 ans ne peut plus enseigner à ses 22 élèves de première secondaire pour une durée d’au moins 10 jours.
Écoutez le témoignage de Chad Ashe, enseignant au secondaire:
«La directrice de l’établissement où j’enseigne m’a appelé pour me dire qu’il y avait eu une plainte à propos de mon vidéo et qu’il y allait avoir une investigation», affirme M. Ashe, qui est également le fils de la chanteuse Sylvie DesGroseilliers.
La vidéo en question, publiée sur la plateforme YouTube le 26 août dernier, est un clip réalisé pour sa chanson intitulée Wahala, qui signifie «problème» en Nigérien.
Le chanteur apparaît avec une femme en maillot de bain, buvant, mangeant et profitant d’une piscine ou marchant dans un champ.
«C’est une chanson à propos de l’amour, de ne pas vouloir de problème avec une personne quand tu la rencontres. Ce vidéo je l’ai filmé avec ma copine parce qu’on s’aime et qu’on aime la chanson, et qu’on voulait célébrer notre belle vie et qu’on est heureux», confie celui qui enseigne depuis cinq ans.
Selon ce dernier, la directrice de son établissement d’enseignement lui a indiqué que c’est justement parce qu’il apparaissait en maillot de bain avec une femme, elle-même en maillot, qu’il a été suspendu.

Préoccupation
Par courriel, la Commission scolaire New Frontiers a d’emblée indiqué qu’elle ne dévoilerait aucun détail, une enquête étant en cours.
«Je confirmerai cependant que ce sont des préoccupations exprimées par des parents, préoccupations que nous prenons très au sérieux, qui sont à l’origine de la situation dans laquelle nous nous retrouvons actuellement avec M. Ashe», a expliqué par courriel le directeur de la Commission scolaire, Rob Buttars.
Pour Chad Ashe, qui devra se présenter le 25 novembre à une audience, l’incompréhension reste totale.
«J’ai parlé de ma musique [à mes étudiants] et ils ont voulu voir ce que je faisais, alors j’ai passé environ 30 secondes du clip. Ça, c’était en début septembre, alors j’ai du mal à comprendre qu’on envoie une plainte deux mois plus tard.»
Racisme et jalousie?
Le rappeur de 34 ans pense aussi que c’est à cause de sa couleur de peau qu’il est visé par cette récrimination.
«Il y a des professeurs qui font de la musique, mais c’est sûr qu’ils ne me ressemblent pas», ajoute M. Ashe, qui raconte qu'il a aussi reçu plusieurs commentaires racistes depuis le début de sa carrière de la part de collègues de travail.
S’il confie qu'il n'a jamais rien fait contre les remarques racistes faites à son encontre, il a cette fois décidé de se défendre.
«Une accusation, ça suffit pour nuire à la réputation de quelqu’un toute une vie, alors je ne peux pas ignorer cette suspension comme j’ai pu ignorer des commentaires racistes. Là, on joue avec mon nom en tant que prof alors que ça fait des années que j’essaie de l’établir et que je veux juste faire le bien dans la communauté éducative», a déploré M. Ashe, précisant qu’une collègue a déjà notamment fait allusion au proxénétisme et à son apparence physique.
Chad Ashe a contacté son syndicat, qui a décliné la demande d’entrevue du Journal, puisque l’enquête est encore en cours.