Emmanuel Macron, un président porté aux nues ou détesté

Agence France-Presse
Porté aux nues ou détesté, Emmanuel Macron, président à la fois séducteur et cassant, voire brutal, a traversé un quinquennat tumultueux avec un art consommé de l’adaptation et en pratiquant un exercice solitaire et vertical du pouvoir.
M. Macron va annoncer sa candidature à l’élection présidentielle dans une «Lettre aux Français» qui sera mise en ligne ce jeudi soir. Cette annonce intervient dans le contexte dramatique de la guerre en Ukraine, qui a totalement relégué la campagne présidentielle française à l’arrière plan.
L’activisme diplomatique d’Emmanuel Macron dans cette crise, même s’il n’a pas porté ses fruits, a en tous cas renforcé sa stature de chef d’État, et lui a permis d’entrer en campagne au dernier moment.
«Le président caméléon», comme l’a récemment qualifié le quotidien Le Monde, reste cependant après cinq ans de pouvoir une personnalité toujours difficile à cerner.
Plus jeune président que la France aie jamais eu, l’ancien ministre de l’Économie de l’ex-président socialiste François Hollande a été propulsé au sommet en 2017 à seulement 39 ans, en utilisant avec maestria son image d’outsider ni de droite ni de gauche, et en surfant sur le délitement des partis traditionnels.
Élu avec 66% des suffrages face à la candidate d’extrême droite Marine Le Pen, dans un contexte d’abstention record, celui qui n’avait jamais eu de mandat électoral a tout de suite endossé les habits de «chef» et montré sa volonté d’inscrire sa présidence dans l’Histoire, avec une mise en scène solennelle au Louvre le soir de sa victoire.
Les Français, qui ne connaissaient pas vraiment cet homme aux allures de jeune premier ont découvert peu à peu une personnalité aux multiples facettes, à l’idéologie disparate et parfois contradictoire, au-delà de ses leitmotiv de «modernisation», d’«audace» et de «en même temps».

Coups de poker
Entouré d’une cour fidèle de trentenaires passés par la publicité, les cabinets de consultants ou la haute administration, M. Macron, énarque pur produit du système, ex-banquier d’affaires chez Rothschild, a constamment montré une volonté de surprendre, quitte à choquer.
Prêt à des réflexes claniques, comme lorsqu’il refuse en 2018 de licencier son homme de confiance Alexandre Benalla, dont la presse révélera l’implication dans toute une série d’affaires douteuses - et qui sera d’ailleurs condamné en 2021 à de la prison ferme.
Auteur de coups de poker, quand il lance «un grand débat» national avec les Français après la révolte des Gilets jaunes - mouvement de contestation sociale qui a gravement ébranlé son quinquennat en 2018 et 2019 avant de s’étioler - mais sans jamais être véritablement réglé.
Il a également pris des paris risqués, notamment celui de refuser en pleine pandémie un nouveau confinement réclamé par experts et ministres en janvier 2021, mais cette décision sera au final portée à son crédit. Il termine son mandat plus populaire que ne l’étaient à la même période ses deux prédécesseurs, François Hollande et Nicolas Sarkozy.

Aimé ou haï
S’il suscite quasiment l’adoration parmi son premier cercle, M. Macron est aussi un des présidents qui a déclenché le plus de «haine», selon les journalistes Nicolas Domenach et Maurice Szafran, auteurs du livre «Macron, pourquoi tant de haine?». «Je n’avais jamais vu des manifestations où des enfants traînent des guillotines sous les applaudissements de la foule», s’étonnait encore récemment sur France 5 M. Domenach, en se remémorant des manifestations de «Gilets jaunes».
Le chef de l’État, pourtant venu de la gauche, s’est vu très tôt qualifié de «président des riches» et des élites urbanisées. Les deux décisions parallèles de son début de mandat, suppression de l’impôt sur la fortune et baisse des aides au logement ont «imprimé une marque terrible», selon M. Domenach.
S’y ajoute une série de petites phrases lâchées au cours du mandat et ressenties comme méprisantes ou arrogantes, sur les chômeurs qui n’ont «qu’à traverser la rue» pour trouver du travail, les gens «qui ne sont rien» ou les «fainéants» réfractaires à toute réforme.
«Quoiqu’il en coûte»
Fin 2021, M. Macron a assuré lors d’un entretien télévisé avoir «acquis beaucoup plus de respect pour chacun» et reconnu avoir pu «blesser» des gens.
Avant de lancer quelques semaines plus tard qu’il avait «très envie d’emmerder les non-vaccinés»... Une phrase qui n’a finalement pas tant choqué les Français, vaccinés à 90% et qui, après des débuts difficiles, louent plutôt la gestion de la crise de la COVID-19 par le président.
Délaissant ses habits de réformiste libéral, le chef de l’État a en effet opté pour des aides sociales et économiques massives pendant la pandémie. Selon l’exécutif, cette politique dite du «quoi qu’il en coûte», couplée aux réformes structurelles engagées en cours de mandat, a porté ses fruits, puisque l’activité économique a nettement rebondi en 2021, avec une croissance de 7%.
Mouvant sur certains terrains idéologiques, M. Macron ne s’est en revanche jamais départi d’un solide credo pro-européen.
Enfin sa vie privée, romanesque et inédite, exerce une certaine fascination. Le jeune Emmanuel Macron, né en 1977 à Amiens (nord) dans une famille de médecins, a rencontré sa future épouse, Brigitte, au lycée. Il avait 16 ans et elle était sa professeure de théâtre, de 24 ans son aînée, mariée et mère de trois enfants. Ils se sont mariés en 2007 et forment, selon les mots de la Première dame, un «couple fusionnel».
Les «petites phrases» de Macron, président taxé d’arrogance
Le président sortant Emmanuel Macron, qui annoncera sa candidature à un deuxième mandat dans une «Lettre aux Français» jeudi soir, joue d’une image de personnalité directe, provocante, «disruptive», au risque d’apparaître comme hautain et méprisant.
Les «petites phrases» égrenées tout au long de son mandat, volontairement ou pas, ont fait sa marque de fabrique. Florilège.
«Emmerder les non-vaccinés»
C’est la dernière en date. Dans un entretien avec les lecteurs du quotidien Le Parisien début janvier, le président, interrogé sur la stratégie sanitaire du gouvernement, lance: «Les non-vaccinés, j’ai très envie de les emmerder. Et donc on va continuer de le faire, jusqu’au bout». La phrase, conçue pour choquer, provoque le tollé attendu dans l’opposition.
Ces propos volontairement grossiers surviennent alors que M. Macron avait peu avant reconnu avoir pu blesser et promis de ne plus céder à la tentation des petites phrases polémiques.
«Les gens qui ne sont rien»
En juin 2017, inaugurant un incubateur de start-up dans une ancienne gare parisienne, il lance qu’une gare «c’est un lieu où on croise les gens qui réussissent et les gens qui ne sont rien».
Kwassa Kwassa
«Le kwassa kwassa pêche peu. Il amène du Comorien», s’amuse Emmanuel Macron en discutant avec un responsable de sauvetage en mer en Bretagne.
Les kwassa kwassa sont les petits bateaux de pêche utilisés par les migrants originaires de l’archipel des Comores - l’un des pays les plus pauvres du monde - qui tentent de gagner clandestinement le département français de Mayotte dans l’Océan indien à la recherche d’une vie meilleure, et dont beaucoup périssent en mer.
«Du travail de l’autre côté de la rue»
En septembre 2018, à un jeune homme qui explique ne pas trouver d’emploi, il rétorque: «Dans l’hôtellerie, les cafés et la restauration, dans le bâtiment, il n’y a pas un endroit où je vais où ils ne me disent pas qu’ils cherchent des gens. Pas un ! Hôtels, cafés, restaurants, je traverse la rue, je vous en trouve».
«Pognon de dingue»
En 2018 toujours, son entourage poste une vidéo sur les réseaux, dans laquelle le président, en réunion de travail, évoque les aides sociales. «On met un pognon de dingue dans les minima sociaux et les gens ne s’en sortent pas. Les gens pauvres restent pauvres», déclare notamment M. Macron.
«Des Gaulois réfractaires au changement»
Au cours d’un déplacement au Danemark en 2018, Emmanuel Macron compare les Danois, un «peuple luthérien», aux Français, «des Gaulois réfractaires au changement».
«Lampe à huile»
En 2020, assurant que «la France va prendre le tournant de la 5G», M. Macron balaye les critiques des écologistes en ironisant sur ceux qui préfèreraient «le modèle Amish» et le «retour à la lampe à huile», en référence à cette communauté chrétienne voulant rester à l’écart de l’évolution du monde.