Un premier test réussi face au président
Ne parlant que trois minutes durant cette rencontre, le premier ministre canadien, Mark Carney, a bien joué ses pions devant Donald Trump


Guillaume St-Pierre – analyse
OTTAWA | Mark Carney a flatté Donald Trump tout en le laissant faire son cirque au Bureau ovale dans l’espoir de jeter les bases d’une nouvelle relation avec les Américains lors d’une première rencontre cruciale à la Maison-Blanche.
Le moment de haute voltige diplomatique devant les caméras, d’une durée d’un peu plus de 33 minutes, n’a pas dérapé.
De petites tensions, mais on est loin du scénario Volodymyr Zelensky.
Les deux leaders se sont essentiellement lancé des fleurs.
Est-ce le début d’un temps nouveau ?
Personne n’a perdu la face. Comme Mark Carney avait beaucoup plus à perdre, il sort vainqueur de ce premier match en ayant joué la trappe, comme toute bonne équipe de hockey qui mise sur la défensive face à un adversaire plus gros et plus fort.
Pas de provocation
Donald Trump a félicité Mark Carney pour sa victoire improbable, un leader politique « talentueux », « bon », avec qui il estime avoir « beaucoup de choses en commun ».
« J’ai beaucoup de respect pour cet homme », a lancé le président américain.
Le premier ministre canadien lui a rendu la pareille, en le félicitant de vouloir protéger ses travailleurs et de pousser les pays de l’OTAN à hausser leurs dépenses militaires.
Un échange de bons procédés chorégraphié entre chefs d’État.
Mark Carney a fait preuve de fermeté lorsqu’il a été question de la volonté de Trump de faire du Canada un 51e État, sans en donner plus que le client en demande.
• Écoutez aussi cet épisode balado tiré de l'émission de Mario Dumont, diffusée sur les plateformes QUB et simultanément sur le 99.5 FM Montréal :
De la fermeté, mais pas de provocation, rien pour contrarier le président imprévisible.
Le Canada n’est pas à vendre, point à la ligne. Pour le reste, il a rappelé que le pays est le plus gros client des États-Unis.
« Il ne faut jamais dire jamais ! » a rétorqué Trump au sujet de l’annexion, lui qui voulait avoir le dernier mot.
Au total, le premier ministre a parlé moins de trois minutes, laissant toute la place au spectacle de son homologue.
Un flegme britannique, un calme olympien devant un flot constant de propos souvent confus et contradictoires. Une performance qui lui vaut facilement un 9 sur 10.
On commence à reconnaître le style direct et sans fioriture de l’ex-banquier central, qui, pour l’instant, lui sert bien.
Derrière des portes closes, les menaces annexionnistes du président sont toutefois revenues sur le tapis.
Mark Carney a admis avoir demandé à Trump d’arrêter de traiter le Canada de 51e État, sans préciser comment cela a été reçu.
Est-ce que la demande tombera dans l’oreille d’un sourd ?
Visiblement, le premier ministre a voulu baisser les attentes.
« Il est le président, il va dire ce qu’il veut », a-t-il dit, sourire en coin.
Les compteurs à zéro
La volonté des deux partis semble être de remettre les compteurs à zéro, maintenant que Justin Trudeau est parti.
À choisir, Trump et sa bande préfèrent probablement Carney le « mondialiste » à Trudeau le méchant « woke ».
Ce qui devait arriver arriva : les tarifs du président sont en train de devenir un poison pour l’économie américaine. Par le fait même, la popularité de Trump en prend un coup.
Les négociations n’en sont qu’à leurs balbutiements. Mais force est de constater que Mark Carney a stratégiquement avancé ses pions afin de bien se positionner pour la suite.
Ma note : 9/10
Du non-verbal qui parle

« Nous allons être amis avec le Canada. Le Canada est un endroit très spécial. J’aime le Canada, j’ai beaucoup de respect pour les Canadiens. » –Donald Trump

« Comme vous le savez avec votre expérience en immobilier, il y a des endroits qui ne sont jamais à vendre [...] et ayant rencontré les propriétaires du Canada pendant la campagne, au cours des derniers mois, ce n’est pas à vendre et ce ne sera jamais à vendre. » – Mark Carney

