Un premier pape américain... à l’opposé de Trump

À la surprise générale, les cardinaux ont élu un Américain comme nouveau pape, jeudi. Si Donald Trump semble y voir une nouvelle preuve de l’influence des États-Unis, des experts croient plutôt que cette élection envoie un message limpide d’opposition à ses politiques.

Après un court conclave qui a débuté mercredi après-midi, au moins les deux tiers des 133 cardinaux rassemblés pour élire un nouveau souverain pontife ont jeté leur dévolu sur Robert Francis Prevost, 69 ans, qui a choisi le nom de Léon XIV pour exercer ses nouvelles fonctions.

Fait cardinal en 2023, l’homme d’Église originaire de Chicago ne faisait pas partie des favoris, selon la professeure Solange Lefebvre de l’Institut d’études religieuses de l’Université de Montréal.

«Personne ne s’attendait à un Américain, alors on ne l’avait pas beaucoup vu venir. Le monde entier est confus, mais il fait partie de la frange qui critique les politiques de Trump, notamment par rapport à l’immigration.»

Le président des États-Unis a quant à lui salué l’élection du nouveau pape, se vantant qu’il s’agit d’un «grand honneur» pour les États-Unis et qu’il avait hâte de rencontrer le nouvel élu.

M. Trump a publié le 2 mai une image générée par intelligence artificielle où on le voit vêtu des habits papaux, à peine une semaine après avoir fait le voyage à Rome pour assister aux obsèques du pape François. Son vice-président, J.D. Vance, a, quant à lui, eu la dernière rencontre officielle du pontife avant son décès.

Critique de Trump

Pour sa part, la professeure Catherine Foisy, du Département des sciences religieuses de l’UQAM, estime que les positions du nouveau pape, en continuité avec son prédécesseur sur des questions sociales, d’immigration et d’écologie, ont «pesé lourd dans la balance», plus que ses origines.

«Je pense que du point de vue du collège cardinaliste, c’est aussi un signe clair [...] comme quoi le Vatican ne sera pas à la remorque de l’administration Trump», a-t-elle affirmé en entrevue à TVA Nouvelles.

Dans les derniers mois, celui que l’on nomme désormais Léon XIV a critiqué ouvertement les positions de J.D. Vance et de Donald Trump sur les réseaux sociaux, notamment en lien avec l’expulsion de migrants.

«Comme il est en Amérique latine depuis longtemps, il est probablement très sensible à la manière dont ces populations sont malmenées aux États-Unis», fait valoir le journaliste spécialiste des questions religieuses pour l’agence Présence, François Gloutney.

Il ajoute que Léon XIV devrait donc être considéré comme le «deuxième pape d’Amérique» plutôt que le premier originaire des États-Unis.

Il n’a d’ailleurs prononcé aucun mot en anglais pendant son premier discours sur le balcon de la basilique Saint-Pierre, devant un imposant parterre de fidèles.

«J’irais jusqu’à dire que c’est peut-être un petit clin d’œil à Donald Trump de ne pas parler en anglais dans son discours», renchérit le chroniqueur en actualité religieuse Alain Pronkin.

Paix pour tous

Léon XIV a appelé à la paix et à l’unité dans sa première adresse au 1,4 milliard de fidèles catholiques.

«Aidez-nous aussi, puis les uns les autres, à construire des ponts par le dialogue, par la rencontre, nous unissant tous pour être un seul peuple, toujours en paix», a-t-il lancé à la foule rassemblée.

Il a également affirmé qu’il voulait poursuivre la vocation de «synodalité de l’Église», soit d’égalité pour tous et de valorisation de la différence, qui était chère au cœur de son prédécesseur, François.

Tous les experts consultés par Le Journal s’entendent pour dire que la décision de Robert Francis Prevost de s’appeler Léon XIV n’a rien d’un hasard.

«Léon XIII s’est démarqué par plusieurs réformes de justice sociale au 19^e siècle. Il s’était entre autres opposé au marxisme, mais aussi au capitalisme sauvage. [Le nouveau pape] se veut probablement dans la même lignée», poursuit M^me Lefebvre.