Un pharmacien coupable d’avoir prescrit le mauvais médicament à une femme enceinte

Nicolas Saillant | Journal de Montréal
Un pharmacien de Longueuil a fait preuve de «négligence» lorsqu’il a renouvelé la prescription d’une femme en processus de fertilité, en lui préparant un médicament contre-indiqué qui lui a fait perdre son embryon.
En processus de fertilité à la clinique OVO, la patiente du pharmacien Vincent Roy s’était rendue au Uniprix du boulevard Taschereau à Greenfield Park afin d’obtenir son ordonnance d’Estrace. Ce médicament est utilisé lors d’un processus de fécondation pour préparer l’utérus à recevoir l’embryon.
La cliente de Vincent Roy avait donc récupéré une première ordonnance le 2 novembre 2021 pour une durée de neuf jours, puis renouvelé le médicament le 12 novembre. À ce moment, c’est le conjoint de la dame qui était allé chercher la dose et avait demandé à une employée de la pharmacie s’il s’agissait bien du bon médicament, ce à quoi on lui a répondu par l’affirmative.

Désemparée
La femme a eu un transfert d’embryon à sa clinique de fertilité trois jours plus tard, puis s’est rendue à la pharmacie le 20 novembre pour renouveler une troisième fois sa prescription d’Estrace 2 mg. C’est à ce moment que la patiente a remarqué que les comprimés remis étaient verts, tout comme ceux de la première ordonnance, alors que les pilules remises le 12 novembre étaient différentes.
«En effectuant des recherches sur Google, elle s’aperçoit qu’il ne s’agit pas du bon médicament et est désemparée, car celle-ci comprend que le Létrozole produit des effets contraires à ceux escomptés avec l’Estrace», est-il écrit dans la décision du Conseil de discipline de l’Ordre des pharmaciens concernant Vincent Roy. La clinique de fertilité lui a plus tard confirmé que le transfert d’embryon n’avait pas été concluant.
C’est que les conditions à ce transfert exigeaient « un apport additionnel en hormones » tandis que le médicament remis par erreur, le Bio Létrozole, a pour effet de « suspendre la production d’hormones et est déconseillé aux femmes désirant tomber enceintes». La patiente a également souffert de maux de tête importants, de fatigue extrême et de bouffées de chaleur spontanées lors du mauvais traitement.
Excuse
Étant en poste cette journée-là, le pharmacien Vincent Roy a assumé l’entière responsabilité de cette erreur bien qu’il n’ait aucun souvenir de ce service et qu’il s’explique difficilement ce qui est arrivé. Il a également communiqué avec sa cliente pour s’excuser en lui proposant de faire une réclamation au Fonds d’assurance responsabilité professionnelle de l’Ordre des pharmaciens du Québec.
Lors de cette conversation, la femme était «dans tous ses états», une réaction que le pharmacien a dit comprendre. La victime de cette bourde a heureusement pu avoir un enfant quelques mois plus tard, mais la décision du Conseil de discipline ne précise pas si cette dernière a obtenu réparation pour le traitement coûteux qui a échoué en raison de cette erreur.
Pour sa part, Vincent Roy a plaidé coupable au chef d’infraction disciplinaire d’avoir fait preuve de négligence en disant «regretter beaucoup cet incident». Il assure aussi avoir diminué sa charge de travail à la suite de l’événement.
D’ailleurs, ce dernier n’est plus propriétaire de cette pharmacie de Greenfield Park depuis le mois de décembre, mais possède une autre pharmacie à Sainte-Madeleine. Le Conseil a tout de même fait valoir que le pharmacien a fait preuve de négligence pour une tâche qui se voulait être «l’ABC de la pratique de la pharmacie».
L’Ordre des pharmaciens s’était penché sur un cas similaire au printemps dernier. Le pharmacien de Montréal Kelvin Brière avait reçu une amende de 8500 $ du Conseil de discipline pour avoir remis par erreur à une patiente en traitement de fécondation in vitro un médicament contraceptif.
Pour sa part, Vincent Roy s’est vu imposer une amende de 4500 $ pour avoir failli à ses obligations. L’employée qui avait dit au conjoint qu’il s’agissait du bon médicament a quant à elle été congédiée de la pharmacie.