Un octogénaire condamné pour négligence après la mort de sa femme
Démuni, Clément Simard a omis de porter assistance à son épouse des soixante dernières années, retrouvée inerte après quatre jours sur la toilette

Pierre-Paul Biron
Un octogénaire a été condamné à une peine de détention dans la collectivité pour avoir omis de prêter assistance à sa femme qui avait besoin de soins.
«Une situation d’une tristesse infinie.» C’est dans ces mots que le tribunal a décrit le cas d’Henriette Morency et Clément Simard, qui ont été mariés une soixantaine d’années.
Lundi matin, le résident de Sainte-Pétronille, à l’île d’Orléans, s’est présenté dans la salle d’audience d’un pas lent, accompagné de son avocate, Me Stéphanie Pelletier-Quirion.
Après la lecture du résumé des faits que le ministère public lui reprochait, Clément Simard a plaidé coupable d’avoir «omis de fournir les choses nécessaires à l’existence de sa femme», alors qu’elle se trouvait dans le besoin.
Or, ce plaidoyer était presque autant une reconnaissance de ses propres limites.
Parce que c’est Henriette Morency, depuis une soixantaine d’années, qui gérait tout à la maison pour le couple, qui n’a pas eu d’enfants. Avec sa sixième année, «pauvre intellectuellement», l’homme de 82 ans ne s’est jamais occupé des comptes à payer ou des rendez-vous médicaux.
Donc quand l’état de santé de sa femme s’est dégradé en octobre 2023, il n’a jamais vraiment su quoi faire.

Sur la toilette depuis quatre jours
Ce sont finalement des gens de l’entreprise pour qui M. Simard faisait des «jobines» qui ont pris la décision d’aller chez lui pour vérifier comment se portait Henriette après que l’octogénaire eut mentionné qu’elle «n’allait pas bien depuis quelques jours».
La femme de 82 ans a été retrouvée assise sur la toilette, dans une maison «insalubre». Son corps était affaissé et elle n’avait plus aucune réaction. Son hygiène corporelle était négligée et elle avait plusieurs plaies de pression au bas du corps.
Son mari a indiqué aux ambulanciers qu’elle était sur la toilette depuis quatre jours et qu’elle avait auparavant refusé d’obtenir des soins. L’homme avait «essayé de lui donner du lait», mais elle ne parlait plus.
Le jour même, après son transport en ambulance, Mme Morency est décédée vu la gravité de son état. Les médecins lui ont diagnostiqué une infection aiguë et une défaillance multiorganes qui ne lui laissait aucune chance.
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Démuni
C’est l’urgentologue qui a accueilli la femme en ambulance qui a signalé le cas aux policiers. Elle mentionne avoir senti que M. Simard était «neutre» et avoir perçu sa difficulté à comprendre les événements ayant mené à la mort de sa femme.
«Le couple lui a paru démuni», peut-on lire dans le résumé des faits présenté au juge Thomas Jacques.
En fait, Clément Simard était à ce point démuni qu’il a indiqué aux enquêteurs ne pas avoir appelé les secours parce que la ligne téléphonique avait été coupée, faute de paiement du compte. Sinon, il aurait appelé de l’aide, assure-t-il.
L’enquête policière a toutefois démontré que la ligne était bel et bien fonctionnelle.
«L’ensemble des circonstances démontrent que l’accusé aurait dû fournir des soins à sa conjointe et que malgré ses difficultés personnelles, il aurait été en mesure de le faire», a exposé la procureure de la Couronne au dossier, Me Valérie Bélizaire-Joseph, pour justifier le dépôt de l’accusation.

Cas «fort singulier»
Clément Simard a finalement été condamné lundi à une peine de 12 mois dans la collectivité, une sentence qui découle d’un processus de facilitation entre les parties, qui ont soumis cette suggestion commune au juge Jacques.
Ce dernier a qualifié le dossier de «cas fort singulier», soulignant que l’absence d’antécédents judiciaires de l’accusé et le principe d’individualisation de la peine à la situation de l’octogénaire militaient en faveur d’une peine à domicile.
L’avocate de la défense a salué à sa sortie de la salle d’audience la volonté des parties de trouver rapidement une voie de passage afin de permettre à M. Simard de mettre ce drame derrière lui.

«Malgré le fait que c’est éminemment triste, on a pu trouver une solution rapide pour mettre fin au processus judiciaire et pour que M. Simard puisse tourner la page», a confié Me Pelletier-Quirion, soulignant que la vie de son client est maintenant «complètement à l’envers».
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