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L'article provient de Bureau d'enquête

La refonte du système de paie des fonctionnaires québécois sur la glace depuis 5 ans

La modernisation avait pourtant été inscrite aux projets d’intérêts en juin 2018

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Photo portrait de Nicolas Lachance

Nicolas Lachance

2023-04-12T04:00:00Z
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Le ministre Éric Caire connaît depuis cinq ans l’existence d’un projet pour remplacer le «désuet» système de paie des fonctionnaires. Malgré les ratés, ce dossier est demeuré sur les tablettes de son ministère.

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En juin 2018, le gouvernement libéral de Philippe Couillard a inscrit dans ses projets d’intérêt la «Phase SGR7 du Système de paie».  

Le document, qui apparaît dans le plan annuel des ressources informationnelles, mentionne que cette phase «vise à moderniser le système de paie du gouvernement en remplaçant le système actuel».  

«Il permettra de mieux soutenir l’administration des programmes de rémunération et d’avantages sociaux du personnel ainsi que de rendre la gestion de la rémunération plus efficace», indique-t-on. 

Enjeux importants

Selon nos informations, cette phase du vaste projet d’informatisation gouvernemental SAGIR devait rapidement être inscrite au Plan québécois des infrastructures (PQI) en raison des besoins criants. 

«SAGIR, c’était un projet qui était en discussion au gouvernement», a affirmé une source près du dossier. «Il y avait des enjeux importants.» 

Mais, cinq ans plus tard, rien n’a été concrètement réalisé. «Il n’y a aucune logique», a pesté notre source.  

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Le gouvernement de la CAQ est élu quelques mois après l’inscription du dossier, en octobre 2018, et Éric Caire est nommé ministre responsable de la Transformation numérique. Il avait promis de mettre fin du bordel informatique, mais finalement les ratés du système de paie se sont multipliés. 

Ce projet est maintenant sous la responsabilité de son ministère de la Cybersécurité et du Numérique (MCN). 

Dossier d’affaires 

Dans un courriel succinct, le ministère se défend et assure que «le dossier d’affaires pour le module SGR7 est complété et est actuellement révisé afin de considérer les évolutions technologiques.» 

Le conseil des ministres n’a toujours pas vu le projet. Les appels d’intérêt et les appels d’offres gouvernementaux sont inexistants. Ils seront diffusés au «moment opportun», souligne-t-on.  

L’équipe des relations avec les médias du MCN plaide que «dans les 5 dernières années, certains travaux entourant la modernisation de SAGIR, incluant le système de paie, ont été réalisés afin de le stabiliser et d’en améliorer certaines composantes.» 

Cependant, des heures sont toujours non payées, des augmentations salariales sont ignorées, des relevés sont incompréhensibles et des sommes sont versées en trop, comme l'a révélé récemment notre Bureau d'enquête.  

Les fonctionnaires blâment Éric Caire pour ce fiasco et les ingénieurs ont même décidé de traîner le gouvernement devant le tribunal d’arbitrage pour le forcer à corriger la situation sans délai. 

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La signature de la prochaine convention collective provoquera d’autres ratés, a même admis le ministre.

Soulagé...

En 2019 dans une entrevue au quotidien Le Soleil, le ministre Caire s’était pourtant dit soulagé du succès de la mise à jour du système de paie des fonctionnaires québécois. 

Il savait déjà à l’époque que le système devait être changé rapidement.  

«Le système dont on parle a été implanté en 1978. J'entrais au secondaire à ce moment-là, vous comprendrez», a-t-il affirmé Éric Caire, le 6 avril dernier, pour se défendre. 

«C'est un système qui est désuet, c'est un système qui nécessite qu'on code chaque changement qui est fait. Donc, quand ma collègue signe une convention collective, dans la dernière année on parle de 14 signatures, c’est 217 modifications.» 

Photo d'archives, Stevens LeBlanc
Photo d'archives, Stevens LeBlanc

Ce que Caire disait en octobre 2015, alors qu'il était dans l'opposition 

«On parle de gestion informatique – plutôt, je devrais dire d’absence de gestion informatique – qui nous a amenés à des projets comme SAGIR, que les fonctionnaires ont baptisé amicalement “ça chire”. On parle évidemment de différents autres projets informatiques qui nous ont tous amenés vers la même conclusion: dépassements de coûts, dépassements de délais et, dans la plupart des cas, non-production des biens livrables.»  

La saga de SAGIR

2004: la modernisation du système de gestion gouvernementale, implanté en 1978, est prévue en 7 phases au coût de 612 M$ par le gouvernement de Jean Charest, incluant la modernisation du système de paie 

Avril 2008: la phase 1 est complétée pour le Système de comptabilité (dépenses) et acquisitions.

12 mai 2011: le vérificateur général Renaud Lachance considère qu’il y a un risque que l’échéancier et les coûts ne soient pas respectés pour les autres phases. 

Mars 2015: prévue pour 2010, la phase 2 est finalement complétée pour moderniser la gestion des ressources humaines. 

Septembre 2015: notre Bureau d’enquête dévoile un rapport accablant sur SAGIR. Celui-ci exposait la façon erratique de gérer les millions de dollars des contribuables dans le cafouillage informatique SAGIR. Les coûts ont cependant explosé et le projet dépasse le milliard. 

Décembre 2016: phase 3 complétée pour introduire le système de dotation en ligne.

Juin 2018: le gouvernement libéral de Philippe Couillard inscrit la phase 7 dans ses projets d’intérêt gouvernemental. Le désuet système de paie doit absolument être modernisé... 

Mars 2023: Notre Bureau d’enquête dévoile les nombreux problèmes liés au système de paie. Des employés ne sont pas payés pour les heures qu’ils ont travaillées.

Avril 2023: toutes les autres phases sont sur la glace, notamment celle du système de paie. Près de 20 ans après le début du projet initial, aucun budget n’a été autorisé par le Conseil du trésor.

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