28 ans après un double assassinat, un meurtrier restera incarcéré au Canada
Serge-Maurice Ewondé voulait retourner au Cameroun

Nicolas Saillant
La mère de Benoît et Mylène Marceau, qui ont été froidement assassinés par l’ex-conjoint de cette dernière il y a 28 ans, est intervenue avec succès pour que le meurtrier reste incarcéré au Canada plutôt que d’être expulsé au Cameroun, son pays d’origine, comme il le souhaitait.
Le 14 mai 1993, en liberté sous engagement dans l’attente de son procès pour séquestration, enlèvement et sodomie contre son ex-conjointe Mylène Marceau, Serge-Maurice Ewondé se présente au nouvel appartement de cette dernière, qu’elle habite avec son frère, à Pierrefonds.
Le Camerounais assassine par balle l’homme de 22 ans et la femme de 24 ans, et tente de quitter le pays en autobus vers Boston, à l’aide d’une fausse identité.

Condamné à une peine à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle avant 25 ans, Ewondé a fait une première demande de libération en 2018, puis de nouveau cette semaine.
Puisque le délinquant de 61 ans n’a aucun statut au Canada, il demande une libération conditionnelle totale pour retourner vivre au Cameroun.
Manipulateur sans scrupule
Sauf que le Camerounais n’a jamais vraiment manifesté d’empathie pour ses victimes. Ce n’est qu’en 2016 qu’il a finalement assumé l’entière responsabilité de son crime.
Celui qui cumule les comportements « problématiques » en prison se défile, manque d’introspection et ne démontre aucun remords, selon un dernier rapport datant de 2018.

Trois ans plus tard, la mère de Mylène et Benoit, Marielle Vallières, s’est présentée devant les commissaires pour leur demander de refuser son plan de libération « peu crédible », même s’il implique son expulsion du Canada.
« Il est ce même individu sans scrupule qui n’a toujours aucune considération pour la femme », a plaidé la mère, qui le connaît depuis 1986.
« Aucune réinsertion dans la société n’est possible pour lui », a dit Mme Vallières, en rappelant le rapport peu reluisant de Ewondé produit il y a à peine trois ans.
« Je souhaite cette fois qu’il ne réussisse plus à berner personne », a-t-elle terminé en demandant aux commissaires de refuser sa libération.
« On ne peut le croire »
Devant les commissaires, près de 29 ans après ses meurtres, Serge Ewondé, qui arborait une casquette et un chandail de superhéros, a toutefois démontré un certain cheminement.
« [À l’époque], je ne pouvais pas contrôler mes émotions comme aujourd’hui, je n’avais pas les outils », a-t-il dit.
« J’ai des remords, a-t-il assuré. Si j’avais le choix de revenir en arrière et donner ma vie à la place, je le ferais. »
Or, le naturel du délinquant est revenu lorsqu’il a été question de l’épisode récent de fabrication de bière artisanale dans sa cellule. Ewondé a refusé d’admettre, et ce, même si « les preuves sont claires contre lui ».
L’homme a alors montré des signes d’impatience. « On ne peut pas le croire », a ainsi fait valoir un intervenant dans son dossier qui ne recommande pas sa libération.
Il a fait valoir que la police camerounaise n’avait pas les moyens de le superviser sur place et que le retour dans son pays 40 ans après qu’il l’eut quitté était problématique. « Ce sera un choc et il est impossible de prédire comment il va réagir ou s’adapter », a indiqué son intervenant.
Après délibération, les commissaires ont refusé la libération de Ewondé, se rangeant derrière les arguments de Marielle Vallières et de son équipe de gestion pour conclure que la « précaution » était nécessaire dans son cas. Serge Ewondé pourra cependant refaire une demande de libération dans les prochaines années.
Le témoignage de la mère des victimes, Marielle Vallières
- « J’ai cru à tort que toutes ces années de détention lui auraient permis de s’humaniser, mais il a prouvé qu’il n’avait aucun remords, aucune cohérence dans son discours. »
- « Il est incapable de répondre directement aux questions des commissaires, il a fourni de nombreuses versions des événements et de sa responsabilité dans les deux meurtres commis de sang-froid. »
- « Il n’a participé à aucun nouveau programme [d’aide]. Est-ce normal pour un homme qui souhaite cheminer et évoluer, est-ce rassurant pour moi ? »
- « Je ne suis plus la personne que j’aurais dû être. Ces crimes ont brisé ma vie, mes relations, ma vision de l’amour. »
Le parcours du meurtrier
◆ Avril 1987
Originaire de la région de Québec, Mylène Marceau épouse le Camerounais Serge-Maurice Ewondé. Elle met fin à leur relation en décembre 1992.
◆ 16 février 1993
Ewondé séquestre et agresse sexuellement son ancienne conjointe. Mylène Marceau porte plainte deux semaines plus tard. Il est arrêté le 6 mars 1993.
◆ 8 avril 1993
Ewondé obtient sa liberté moyennant un engagement de 10 000 $ et l’interdiction de communiquer avec Mylène Marceau.
◆ 14 mai 1993
Mylène Marceau, 24 ans, et son frère Benoît Marceau, 22 ans, sont assassinés par balle dans leur appartement de Pierrefonds. Tous deux travaillaient chez Bell Mobilité, à Dorval.
◆ 15 mai 1993
Ewondé est arrêté aux douanes américaines dans un autocar qui se rendait à Boston. Il avait un faux passeport et voyageait sous une fausse identité. Il est accusé et détenu en attente du procès.
◆ 4 septembre 1993
Prévenu à la prison Parthenais, Ewondé tente de s’échapper avec deux complices. Le complot est déjoué avant d’être mis en action.
◆ 14 avril 1994
Le jury rend un verdict de culpabilité à l’endroit de Serge-Maurice Ewondé. Il est condamné à l’emprisonnement à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle avant 25 ans. Il tente de faire appel, mais sans succès.