Un jugement révoltant


Josée Legault
Le 21 juin, le juge Matthieu Poliquin gratifiait Simon Houle, accusé d’agression sexuelle et de voyeurisme, d’une absolution conditionnelle. Depuis la lecture du jugement, impossible de décolérer.
En 2019, Simon Houle, alors étudiant, agressait sexuellement une femme et prenait des photos de ses parties intimes. Il plaidera coupable deux ans seulement plus tard.
Parce qu’elle est injustifiable, des organismes de défense des victimes de violences sexuelles décrient cette décision aberrante.
Le juge Poliquin, nommé l’an dernier à la Cour du Québec par le ministre de la Justice, Simon Jolin-Barrette, y porte en effet une attention nettement plus détaillée et empathique à la situation de l’accusé qu’à celle de sa victime, dont les séquelles sont pourtant graves.
Devant l’admission de Simon Houle d’avoir commis, en 2015, une autre agression sexuelle sur une autre victime, le juge, au lieu d’y voir un comportement de récidiviste, y voit même un signe de «transparence».
Malgré qu’il ait fait au moins deux victimes, le juge se permet aussi de décrire Houle comme un homme de «bonne moralité» venant d’une famille «fonctionnelle et adéquate».
Il affirme que ses crimes ne sont que «contextuels et ponctuels» dans sa vie. Comme banalisation des séquelles que portera sa victime toute sa vie, difficile de faire mieux. On se croirait catapulté en 1922.
D’une infinie clémence
D’une infinie clémence envers Houle, le juge considère aussi son état avancé d’ébriété au moment de l’agression comme une explication possible de son crime.
Le comble: le juge Poliquin justifie également son absolution conditionnelle de Houle par la nécessité, écrit-il, de préserver sa carrière d’ingénieur et sa capacité de voyager pour celle-ci. Hallucinant.
La Couronne, quant à elle, exigeait 18 mois d’emprisonnement. Rappelons que le voyeurisme est passible d’une peine maximale d’emprisonnement de 5 ans et l’agression sexuelle, de 10 ans.
Bref, ce jugement est révoltant. Parce qu’il absout un agresseur sexuel et récidiviste de son propre aveu. Parce qu’il banalise outrageusement les conséquences et les séquelles dramatiques de l’agression pour sa victime.
La mâchoire nous en tombe jusqu’au plancher.
Il faut aller en appel
Le juge Poliquin aurait-il été aussi empathique face à un agresseur moins nanti que Houle, issu d’une famille dysfonctionnelle et lui aussi, saoul et récidiviste? Comment ne pas poser la question?
Qu’en pense vraiment le ministre Jolin-Barrette? Lui-même qui, en novembre dernier, alors qu’il confirmait l’annonce d’un tribunal spécialisé en violences sexuelles et conjugales, en versait avec raison des larmes d’émotion?
Et que dit un jugement aussi rétrograde du travail méticuleux, avant-gardiste et transpartisan des députées Véronique Hivon, Sonia LeBel, Hélène David et Christine Labrie pour la création de ce même tribunal spécialisé? La décision du juge Poliquin en prouve puissamment l’urgence.
Pour le déni flagrant de justice qu’il fait subir à la victime de Simon Houle, le Directeur des poursuites criminelles et pénales se devait de porter cette décision en appel. Ce qu’il a fait.
Il en va de la confiance déjà fragile des victimes de violences sexuelles envers le système de justice. Que l’employeur actuel de Simon Houle l’ait largué hier n’est qu’un détail dans cette histoire foncièrement choquante.