Un jeune autiste exclu de son équipe de hockey récréative
Le Lavallois de 18 ans jouait dans une ligue standard depuis dix ans


Dominique Scali
Un jeune autiste qui a joué pendant dix ans dans des équipes de hockey standards a dû quitter sa ligue récréative en raison de l’attitude discriminatoire de ses entraîneurs, dénonce sa famille.
«Il a le droit de jouer au hockey [...] Pour lui, pendant ce petit 60 minutes [de jeu], il n’était pas autiste, il était normal», raconte Paride Casale, le père du jeune homme.
Dante Casale, 18 ans, est un passionné de hockey. Il joue depuis qu’il a l’âge de 8 ans, au sein de diverses équipes menées par différents entraîneurs.
En janvier, il a joué son dernier match au sein de l’équipe Midget B de l’Association Monteuil Laval, après avoir été indirectement tassé par ses coachs.
Comme toute sa famille, Dante considère qu’il a été victime d’un traitement «injuste» parce qu’il a un trouble du spectre de l’autisme.
«Il n’a pas le meilleur des tirs, mais damn, au moins il est capable de tirer au but», s’exclame son frère Noah Casale, qui jouait dans la même équipe avant de la quitter par solidarité.
- Écoutez la discussion d’Alexandre Dubé avec la journaliste Annabelle Blais via QUB :
Midget B
Souriant et volontaire, Dante est respectueux des règles, mais a parfois de la difficulté à les comprendre. Cela n’avait jamais posé problème par le passé, assure sa famille.
Au début de la saison, il a intégré une équipe de niveau junior, qui réunit des joueurs de 18 à 21 ans. Pour sa sécurité, la ligue a proposé de le redescendre dans l’équipe de niveau Midget B, qui réunit des jeunes de 15 à 17 ans, dont son frère Noah faisait partie.
C’est là que les tensions ont commencé. Il s’agissait pourtant du niveau dans lequel il jouait déjà l’an dernier, alors que M. Casale en était le coach.

Dès le départ, ses deux nouveaux entraîneurs et certains parents sont montés aux barricades devant l’idée d’accueillir un joueur avec des limitations.
«Leur idée était déjà faite», lance Sylvie Millette, la mère de Dante.
«Vraiment méchants»
«Je leur ai dit: "Vous allez vivre avec"», raconte Claudio Quaglieri, président de l’Association Monteuil Laval. Mais rapidement, cette décision lui a valu une vague de critiques.
«C’était des courriels infinis. On s’est fait traiter de tous les noms. C’était vraiment méchant», résume M. Quaglieri.
Des compromis ont été trouvés: Dante ne participerait plus aux tournois ni aux entraînements. De plus, lors des matchs ordinaires, il n’était envoyé sur la glace que quelques secondes par période.
Comme Dante a besoin d’aide pour attacher ses patins, son père ou un de ses frères avait l’habitude de l’assister dans le vestiaire, ce qui aurait gêné les autres joueurs, selon Hockey Laval.
Mais, selon Noah, il s’agirait d’un prétexte invoqué par les adultes pour mieux exclure son frère. «Je leur ai demandé [à mes coéquipiers] et ils m’ont tous répondu: "On remarque à peine quand ton père est là".»
Intimidation?
La tension a monté d’un cran lors d’un match que Dante a passé en entier sur le banc. Choqué par une telle décision, M. Casale a demandé à un des entraîneurs à quel endroit il travaillait, ce qui a été interprété comme de l’intimidation.
«Ça n’a jamais été mon intention», s’excuse M. Casale. «Mon but, c’était de comprendre comment quelqu’un d’éduqué comme lui [pouvait agir comme ça].»
Les deux entraîneurs ont donc démissionné juste avant Noël. À un moment aussi avancé dans la saison, il n’était plus possible de trouver d’autres entraîneurs certifiés pour les remplacer, explique M. Quaglieri.
Les parents de Dante ont décidé de le retirer de l’équipe pour ne pas punir les autres joueurs, qui n’ont rien à voir là-dedans et qui, eux, avaient bien accueilli le jeune homme.
«Les entraîneurs et l’association n’ont pas "tassé" Dante», indique par courriel Martine Deschamps, directrice générale de Hockey Laval. Ils auraient plutôt fait part de leurs préoccupations quant à sa sécurité, ajoute-t-elle.
La croissance des ligues adaptées ne règle pas tout
La multiplication des ligues sportives adaptées ne doit pas servir d’excuse pour exclure les jeunes qui sont différents au nom de la «folie» de la victoire, rappellent des intervenants.
«J’aimerais ça retourner comme avant [dans l'équipe de l’an dernier]», avoue Dante Casale.
Depuis quelques semaines, il fait partie d’une ligue de hockey adaptée pour les jeunes autistes, une option qui prend de l’ampleur partout au Québec.
«C’est géré par des gens extraordinaires», souligne son père, Paride Casale.
Mais pour Dante, le hockey adapté ne lui donne pas l’impression de jouer de vrais matchs ni de se sentir «normal», une fois de temps en temps, comme c’était le cas au sein d'équipes standards.
Pas un cas isolé
Son cas n’est pas isolé, bien qu’il n’existe pas de statistique sur le sujet, note Lili Plourde, directrice générale de la Fédération québécoise de l’autisme.
«Ce n’est pas la première fois que j’entends qu’en raison du changement de personne ou de responsable, un jeune va perdre sa place dans une équipe non adaptée», dit-elle.

«Plusieurs jeunes sont tout à fait à leur place dans des équipes régulières, mais ils sont souvent victimes d’intimidation de la part des autres, et aussi des entraîneurs», ajoute Mme Plourde.
Le Code d’éthique de Hockey Québec stipule pourtant que l’entraîneur doit «s’assurer que chacun soit traité de façon égale», peu importe son «âge», son «potentiel athlétique» ou son «handicap».
Il n’est pas toujours évident pour des entraîneurs bénévoles qui n’ont pas de formation d’intégrer des joueurs qui ont des limitations, avoue Jocelyn Thibault, directeur général de Hockey Québec.
Deux visions
Mais bien souvent, deux visions s’affrontent: ceux qui veulent inclure tous les jeunes pour qu’ils puissent se développer et ceux qui veulent gagner à tout prix.
«Souvent, les gens prennent plus ça comme du compétitif que du récréatif», constate M. Thibault.
C’est d’ailleurs l’explication avancée par Noah Casale, frère de Dante. «Ce que les coachs voulaient, c’était gagner.»
«Les parents sont fous!» s’exclame Sylvie Millette, la mère de Dante, qui s’étonne que les adultes aient plus de difficulté à accepter un jeune différent des enfants.
«Tout ce que je veux, c'est que ces entraîneurs-là ne puissent plus coacher et que les associations sportives prennent leurs responsabilités», conclut Paride Casale. L'Association Monteuil Laval indique d'ailleurs ne pas avoir l'intention de recourir aux services des mêmes entraîneurs l'an prochain.
Mais pour Hockey Laval, «le présent cas n’a pas de lien avec la discrimination basée sur le handicap», indique la directrice générale Martine Deschamps.
La famille Casale songe à contacter la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse.