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L'article provient de Le Journal de Montréal
Opinions

Notre mémoire sélective nous joue des tours

Pierre Foglia ne mâchait pas ses mots quand il parlait des immigrants, de la laïcité et de l’islam.
Pierre Foglia ne mâchait pas ses mots quand il parlait des immigrants, de la laïcité et de l’islam. CAPTURE D’ÉCRAN TIRÉE DE LA PRESSE
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Photo portrait de Richard Martineau

Richard Martineau

2025-09-06T04:00:00Z
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C’est une loi non écrite du journalisme: chaque fois qu’une personnalité importante disparaît, on souligne à grands traits ses côtés lisses et consensuels, et on passe sous silence (du moins, pour quelques jours) tout ce qui, chez elle, pouvait choquer ou diviser.

Le deuil a une mémoire sélective, politesse oblige.

C’est ainsi que lorsque le grand chroniqueur Pierre Foglia de La Presse est décédé, on a beaucoup parlé, et avec raison, de son amour de la confiture, des chats, du vélo et des «petits bonheurs de la vie, mon vieux», mais très peu des propos qu’il pouvait tenir sur la laïcité, les immigrants et l’islam.

Pourtant, Foglia abordait ces sujets régulièrement et avec passion.

N’était-il pas lui-même immigrant?

Mais voilà, quand on pleure la disparition d’un homme, on enterre tout ce qui pourrait, dans certains milieux, porter ombrage à sa réputation.

Mohamed Tremblay

Autant Foglia pouvait être tendre, autant il pouvait être rock’n’roll.

C’est bien simple, certaines de ses chroniques sur l’immigration feraient passer celles de Mathieu Bock-Côté pour de la musique de chambre.

Dans sa chronique de vendredi, Christian Rioux du Devoir rappelait ce texte pas piqué des vers de Foglia:

«Pour moi, encore aujourd’hui, la laïcité, c’est Dieu le jeudi et le dimanche. Et un immigrant, c’est quelqu’un qui ferme sa gueule et qui dit merci.

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«C’est un peu pour ça que je suis en train de capoter avec le débat sur la Charte des valeurs. On a beau dire que le problème, c’est pas les musulmans... Un peu, quand même.

«Ce serait moins compliqué avec des Polonais et des Italiens. Le problème avec les musulmans, c’est qu’ils sont beaucoup plus musulmans que les chrétiens ne sont chrétiens. On a un Jean Tremblay à Saguenay. Ils ont 243 millions de Mohamed Tremblay un peu partout.»

Mais il y a d’autres extraits qui feraient rougir la plupart des chroniqueurs de La Presse.

Tenez, celui-là:

«Dans son principe comme dans ses détails, la charte de monsieur Drainville me conviendrait parfaitement. Je ne crois pas une seconde qu’il s’agisse de “nationalisme ethnique” ni de “stratégie électoraliste identitaire”. Il s’agit bien de laïcité, d’une courageuse tentative de l’établir une fois pour toutes.»

Ou celui-là:

«Le voile des jeunes musulmanes à l’école est l’étendard d’un communautarisme qui n’a rien d’innocent. Il a une vérité à proclamer, ce voile. Mieux, il a un projet: le retour du religieux dans l’espace civique.»

Vous avez bien lu, madame Hachey? Et madame Elkouri?

La loi 21 pour les élèves!

Des militants anti-loi 21 disent que certains chroniqueurs du Journal beurrent épais lorsqu’ils parlent d’immigration et de religion. Désolé, mais à côté de ce qu’écrivait Foglia, ces chroniqueurs utilisent de la margarine.

Tenez, j’ai un autre extrait, concernant l’interdiction du port des signes religieux ostentatoires pour les employés de l’État en position d’autorité:

«Pour les écoles? Bien sûr, des maîtres et maîtresses sans foulard, mais aussi les enfants. Que les enfants apprennent la laïcité dans le geste d’enlever leur foulard en entrant, tout autant que dans celui de le remettre en sortant.»

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Ou celui-là:

«Je n’en peux plus de Radio-Canada. Je n’en peux plus du ton affligé que prennent depuis 10 jours les journalistes, les lecteurs de téléjournal, les animateurs d’émissions d’affaires publiques dès qu’il est question de la Charte des valeurs. On l’entend dans leur voix, sinon dans leur propos: ouache, beurk, caca.»

Oui, oui, c’était publié dans La Presse!

Je vous parle bien sûr d’un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître...

«Madame Foulard»

À une immigrante voilée qui disait (à Radio-Canada justement) qu’elle était déçue du Québec, car «elle était venue ici en croyant que c’était un État démocratique», Foglia disait:

«Arrête, madame Foulard! Si un fonctionnaire de l’ambassade du Canada t’avait dit: “Votre dossier est accepté. Mais le Québec où vous pensez vous installer vient d’adopter une Charte des valeurs québécoises qui interdit aux employés de l’État le port de signes religieux ostentatoires.”

«Dis-moi, Fatima, t’aurais dit quoi au fonctionnaire de l’ambassade?

«T’aurais dit: “Fuck, j’y vais pas parce que la raison qu’on y va, c’est la démocratie”?

«T’as bien fait de venir, Fatima, mais arrête cinq minutes de dire des conneries.»

C’était AUSSI ça, Foglia.

Pas juste le vélo et les confitures de mirabelles.

FAUT SOUFFRIR POUR MAIGRIR!

La nouvelle tendance dans les médias sociaux? Dire que les gens qui prennent de l’Ozempic pour perdre du poids sont des «tricheurs».

Car ils ne suent pas, ne font pas d’efforts, ne vont pas au gym...

Est-ce que les femmes qui demandent une épidurale pour ne pas ressentir de la douleur lors de l’accouchement sont des «lâches»? Est-ce que les gens qui se font geler les gencives chez le dentiste sont des «paresseux»?

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On dirait des cathos: tu dois souffrir pour obtenir le salut!

Pour reprendre le titre d’un film de Woody Allen: Whatever Works. L’important, c’est que ça fonctionne, non?

«RIEN À SIGNALER!»

Les policiers se sont pointés à 24 reprises au domicile de la «petite fille de Granby».

Ça prend combien de visites pour se rendre compte que quelque chose ne va pas dans un ménage, dans une famille?

Trente? Quarante? Cinquante?

Les policiers n’ont rien vu de suspect pendant ces 24 visites? Ils n’ont pas senti que quelque chose ne tournait pas rond? Et lorsqu’ils l’ont interrogée (dans un poste de police!), ils n’ont pas trouvé son silence bizarre?

Vingt-quatre visites de la police... Il me semble que les lumières du tableau de bord de la DPJ auraient dû faire des flammèches!

ON CHANGE LES NOMS SUR LA MARQUISE!

Un remaniement ministériel, c’est comme une pièce de théâtre qui fait patate.

T’as beau changer les acteurs principaux pour sauver la mise, si le texte est bancal, le budget famélique et si le metteur en scène n’a pas de vision, grandes sont les chances que la pièce continue de faire patate et que le public continue de la bouder.

Rien de plus difficile que de raviver les flammes de la passion lorsque «l’amour est desservi», pour reprendre les paroles d’Aznavour...

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