Un homme qui savait utiliser le pouvoir des mots
Ken Dryden était un cadeau pour les journalistes et les convives qui assistaient à ses conférences

Marc de Foy
Rares sont les athlètes qui maîtrisent la politique, l’environnement, la vie sociale, l’écriture et quoi encore, avec la même facilité que leur sport. Aussi Ken Dryden était-il un cadeau pour les journalistes et les convives qui assistaient à ses conférences.
On sortait de là le calepin rempli de notes, sans avoir à remanier les citations du grand bonhomme.
«Il savait de quoi il parlait», dit Serge Savard.
«Quand on assistait à un événement en groupe, on passait le micro à Ken. On savait que ça durerait 10 minutes. Il expliquait les choses dans les moindres détails.»
«Il passait par Sherbrooke pour aller à Québec.»
Conférence mémorable
En décembre 2016, Dryden avait répondu à une invitation du gouverneur général de l’époque, David Johnson, pour prononcer une allocution portant sur les dangers des commotions cérébrales subies dans la pratique du sport.
Il s’était présenté au lutrin, dans une salle bondée de Rideau Hall, avec un texte finement préparé qui avait capté l’attention de l’auditoire. Il était passé par Toronto pour arriver à Ottawa.
En voici un échantillonnage:
«Quand il est question de l’esclavage qui sévissait autrefois, on se demande comment des gens ont pu faire une telle chose.»
«Quand on pense aux droits de la femme, on se demande pourquoi il a fallu autant de temps pour les reconnaître.»
«Quand on parle du tabagisme, on se demande pourquoi n’a-t-on pas agi plus tôt.»
Agir tout de suite
Dryden a alors enchaîné sur le fléau des commotions cérébrales et leurs conséquences.
«En 1928, une étude sur la boxe a déterminé que les coups à la tête causaient des dommages au cerveau. Mais on disait que c’était unique à la boxe, et les hommes de science n’ont pas fait de liens avec les autres sports de contact.»
L’ancien des Alouettes, Étienne Boulay, l’ancien quart de la LCF, Matt Dunigan, et Eric Lindros, qui traînent encore des séquelles des commotions, avaient raconté leur histoire après l’intervention de Dryden.
«Le pouvoir de changer les choses appartient aux ligues et aux associations sportives», avait continué Dryden.
«Le temps est venu pour ligues sportives de se mettre au diapason des gens de la science. Ils doivent comprendre que les commotions cérébrales ont un impact sur la vie des joueurs.»
«Dans 25 ou 30 ans, il ne faudrait pas dire “Comment avons-nous été aussi stupides pour ne pas agir plus vite?”»
Règle générale, les circuits sportifs ont adopté des mesures pour améliorer la sécurité de leurs athlètes. Mais il y a encore du chemin à faire.
«Ken s’est impliqué dans la société», affirme Serge Savard.
«Quand il prenait la parole, tout le monde l’écoutait. J’ai appris beaucoup de choses de lui. C’était un grand monsieur.»