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L'article provient de Le Journal de Montréal
Politique

Un groupe policier ultra-secret travaillait sous la gouverne de Trudeau père contre les souverainistes

Roger Viollet via Getty Images
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Raphaël Pirro

2023-08-30T20:48:51Z
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D’anciens documents obtenus par des historiens jettent la lumière sur un groupe ultra-secret mis sur pied par le bureau de l’ancien premier ministre Pierre Elliott Trudeau en 1971 afin de coopter la GRC dans ses efforts pour neutraliser le mouvement souverainiste alors en pleine expansion. 

Le groupe de travail spécial en question, officiellement fondé en 1971 sous le nom de code FAN TAN, était l’œuvre principale de l’ancien chef de cabinet et bras droit de M. Trudeau, Marc Lalonde. 

Marc Lalonde aurait toutefois rencontré une certaine résistance chez le directeur des services de renseignement de la GRC, John Starnes, qui s’inquiétait de la légitimité d’une telle opération secrète et de l’instrumentalisation de la police à des fins politiques, selon des mémos personnels écrits par ce dernier après ses rencontres avec le bureau du premier ministre et le conseil privé. 

«C’est l’ancien directeur des services secrets de la GRC qui dit au cabinet du premier ministre qu’il ne voulait pas poursuivre avec une opération menée directement par le bureau du premier ministre», explique en entrevue Dennis G. Molinaro, professeur en histoire du renseignement secret à l’Ontario Tech University. 

M. Molinaro et son collègue Phillip H. G, Davies, de l’Université Burnel, à Londres, ont récemment dépoussiéré une série de documents obtenus à la fin des années 1990 et publié leurs trouvailles dans le journal scientifique Intelligence & National Security. 

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  • Écoutez l'entrevue avec Louis Fournier, auteur du livre FLQ : Histoire d'un mouvement clandestin au micro de Rémi Villemure via QUB radio :

L’on apprend notamment que M. Starnes avisait qu’un «scandale politique aux proportions majeures» attendait le gouvernement si le public en venait à apprendre l’existence de FAN TAN. Il aurait dissous le groupe en 1972, mais le travail de la GRC contre le mouvement souverainiste, sous l’impulsion du gouvernement, a continué. 

«Cette opération visait les Québécois. Je dis les Québécois parce qu’ils visaient les séparatistes en général, donc non seulement la frange violente du FLQ, mais les séparatistes avec un “s” minuscule», explique M. Molinaro. 

L’existence de ce groupe ultra-secret n’est toutefois pas nouvelle, même si bien des questions sont toujours à la recherche de réponses, explique l’ancien journaliste Louis Fournier, auteur d’un livre référence sur le Front de libération du Québec (FLQ). 

M. Molinaro soutient que les demandes spécifiques de Marc Lalonde et de son équipe au FAN TAN restent caviardées sous le motif «relations fédéral-provincial». Impossible, donc, de savoir les actions concrètes que réclamait le gouvernement à la GRC. 

«Je crois définitivement que la question se pose à savoir si c’était constitutionnel ou pas. [...] Je crois qu’ils ont largement outrepassé la loi», explique l’historien, qui dit avoir réclamé au bureau du conseil privé tous les documents en lien avec FAN TAN. 

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Louis Fournier a déjà évoqué l’existence de ce groupe dans son livre, et explique dans son livre FLQ: histoire d’un mouvement clandestin que c’est une des itérations de ce groupe qui a mené au vol de la liste des membres du Parti québécois par la GRC en 1973. 

«On disait qu’on voulait cibler le FLQ et les éléments extrémistes, mais finalement la première cible c’était le Parti québécois», dit-il.

Un politicien «sans scrupules»

Yves-François Blanchet, chef du Bloc québécois, a réagi en qualifiant Pierre Elliott Trudeau de «politicien brillant», mais «sans scrupule» pour qui «la fin justifiait les moyens». 

«Il alimentait en toute connaissance de cause la confusion entre la nécessité pour les services de sécurité de se prémunir contre une menace violente qui n’existait plus vraiment en 1971-1972, et d’utiliser ça comme prétexte pour utiliser les mêmes outils pour faire une surveillance d’un parti, qui est un mouvement démocratique. Ça, c’est profondément inacceptable», a-t-il déclaré. 

De son côté, Pascal Bérubé, du Parti québécois, estime que «personne ne peut nier aujourd'hui que le cabinet de Pierre Elliott Trudeau a été à l'initiative de la surveillance dont a été victime le Parti Québécois dès sa fondation». 

«La preuve de la proximité d’abord politique, puis idéologique des hauts gradés de la GRC n’est plus à faire comme le montrent ces nouvelles révélations et l’affaire de la liste des membres du PQ volée en 1973», a-t-il fait savoir.  

  • Avec la collaboration de Gabriel Côté, Agence QMI  
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