Les pénitences: un formidable face-à-face!

Josée Boileau
Une jeune femme retrouve son père et ça tournera mal. Place à un haletant thriller psychologique.
Est-on dans un livre, est-on dans la réalité? Les pénitences nous happe tellement qu’on a peine à croire qu’Alex Viens signe ici son premier roman.
C’est une affaire de décor implacablement décrit et de dialogues qui sonnent si juste qu’on les entend – tout un art tant il est facile d’en faire trop ou pas assez quand on ramène à l’écrit le québécois de tous les jours.
On en a l’illustration dès la première phrase : «Quelle ostie de mauvaise idée.»
Celle qui râle s’appelle Jules – un prénom choisi parce qu’il fait chic et tough pour une fille. Elle a 24 ans et s’apprête à revoir son père, qu’elle fuit depuis dix ans. En fait, elle est à sa porte, chargée d’un paquet qu’elle doit lui donner, mais elle n’arrive pas à frapper.
Quand elle le fait, quand la poignée tourne, quand la porte s’ouvre : «“Ah ben câlisse!”, s’exclame Denis.» Bienvenue dans un huis clos qu’on n’oubliera pas de sitôt.
Alex Viens met en place une intéressante montée dans l’affrontement entre le père et sa fille. On est dans un milieu pauvre, où la vie ne fait pas de cadeaux. Les échanges ne sont donc pas enrobés de dentelles, mais Jules a autant de répartie que son père.
Il la fait entrer dans son minuscule appartement où un futon tient lieu de chambre à coucher et un sofa de salle à manger. Elle ne veut pas s’éterniser, mais il l’oblige à rester à souper : depuis le temps, elle lui doit bien ça, pas vrai?
Et comment résister à Denis? Il a un certain charme, ce punk vieillissant qui écoute The Cure, qui autrefois faisait danser Jules et qui a gardé ses dessins d’enfant. Justement, il lui tend la main pour quelques pas, partage un joint, lui demande ce qu’elle devient...
Se pourrait-il, après tout ce temps, qu’ils soient devenus des adultes capables de se parler?
De la soumission à la révolte
Ça ne durera pas : le père qui autrefois imposait sa loi n’a pas disparu. Sous l’envoûtement de la musique et le mordant des répliques se dévoile peu à peu l’envie de régler ses comptes. Pourquoi Jules l’a-t-elle quitté à l’adolescence ; pourquoi a-t-elle été rejoindre sa mère – celle qui l’accusait injustement de tous les maux ; pourquoi avoir abandonné sa sœur aînée qui, elle, a su rester son alliée?
Pour bien asseoir son pouvoir, Denis--- dicte à nouveau ses conditions : assois-toi, bois ta bière, finis ton assiette, vide le plat... Et pas question de t’enfuir, ma fille : c’est verrouillé à double tour et c’est moi qui ai la clé.
On verra donc Jules passer de la soumission à la révolte, dans un lent crescendo qui dévoile les racines et les ressorts de la violence psychologique, où se glisse pourtant de l’attachement – sinon elle n’aurait aucun effet.
C’est dur, mais si brillamment raconté!