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L'article provient de Le Journal de Québec
Affaires

Un lobbyiste de pétrolières et minières devient v-p d’Hydro-Québec

Photo Agence QMI, JOEL LEMAY
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Photo portrait de Martin Jolicoeur

Martin Jolicoeur

2024-03-14T04:00:00Z
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C’est un lobbyiste pour le compte de la pétrolière Enbridge et de la minière Glencore, entre autres, qui a été choisi par Michael Sabia pour devenir le nouveau vice-président Affaires publiques, relations externes et communications d’Hydro-Québec.

Jusqu’à récemment aux commandes de Navigator, un des puissants cabinets de lobby-conseil à Ottawa, Graham Fox dispose d’une longue feuille de route dans les coulisses du pouvoir du gouvernement fédéral. 

Il a travaillé en outre auprès de Jean Charest, pour l’ex-premier ministre Joe Clark et a même été, aux élections ontariennes de 2007, candidat du Parti progressiste-conservateur de John Tory.

Graham Fox, prochain vice-président Affaires publiques, relations externes et communications d’Hydro-Québec.
Graham Fox, prochain vice-président Affaires publiques, relations externes et communications d’Hydro-Québec. Photo Navigator

Il succédera à Julie Boucher qui, après 16 ans chez Hydro-Québec, a surpris en remettant sa démission récemment. Trois jours plus tard (le 22 février), la nomination de Graham Fox était confirmée par communiqué. 

Son entrée en poste à titre de vice-président de la société d'État est prévue pour lundi. Il dirigera une équipe d’un peu moins de 300 employés, nous confirme Hydro-Québec.

  • Écoutez le segment économique d'Yves Daoust via QUB :

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Services d’influences

Jusque-là, Graham Fox se spécialisait dans la vente aux entreprises de services de liaisons et d’influences auprès des hautes sphères de la fonction publique fédérale. Les informations compilées à son propos au Registre des lobbyistes du Commissariat au lobbying du Canada témoignent d’une carrière prolifique et d’un portefeuille riche en clients majeurs, issus notamment des industries pétrolière, gazière, minière, aéronautique et même militaire.

L'une des mines exploitées par Northern Graphite Corp, près de Mont-Laurier, au Québec. Northern Graphite était un client de M. Fox jusqu'à récemment.
L'une des mines exploitées par Northern Graphite Corp, près de Mont-Laurier, au Québec. Northern Graphite était un client de M. Fox jusqu'à récemment. Northern Graphite Corp

Les dernières communications connues de Graham Fox à titre de lobbyiste de Navigator ont été accomplies en février dernier pour le compte de Northern Graphite Corporation, une société de Toronto exploitant des mines de graphite à Lac-des-Iles, près de Mont-Laurier et en Namibie, en Afrique Australe.

Son mandat consistait à chercher un soutien gouvernemental au développement d’une mine de «matériaux critiques» et à la construction d’une usine à Baie-Comeau pour produire jusqu'à 200 000 tonnes de matériaux d’anodes, destinées aux batteries de véhicules électriques. 

De l’aide à Glencore et Enbridge

Dans le même domaine, M. Fox a œuvré pour que l’australienne Wyloo Metals, propriété du milliardaire Andrew Forrest, parvienne à acheter en 2022 les droits miniers de Noront Resources sur un territoire du Nord de l’Ontario. Connu sous le nom de Ring of fire, ce territoire riche en dépôts de nickel, platinum, palladium et cuivre, est évalué à 90 milliards de dollars.

La Fonderie Horne, de Rouyn-Noranda, une propriété de la multinationale germano-suisse Glencore.
La Fonderie Horne, de Rouyn-Noranda, une propriété de la multinationale germano-suisse Glencore. Photo: Élise Lacombe

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Plus tôt, apprend-on aussi, M. Fox a servi d’intermédiaire pour la multinationale suisse Glencore, connue ces jours-ci pour l’exploitation de sa mine Raglan, dans la péninsule d’Ungava, et pour sa Fonderie Horne, à Rouyn-Noranda. Le mandat de M. Fox pour ce client: «organiser des réunions pour faire connaître ses investissements actuels dans le secteur minier canadien et rechercher du soutien pour de nouveaux investissements potentiels», lit-on dans le registre du Commissariat au lobbying.

À sa lecture, on constate également que le prochain vice-président d’Hydro-Québec a aussi servi les intérêts de la pétrolière albertaine Enbridge. L’un de ses mandats consistait à avoir des discussions en haut lieu, avec des représentants du ministère fédéral des Finances entre autres, au sujet de «l’exploitation sûre et fiable des pipelines (...), des gazoducs, ainsi que des services publics et des actifs électriques d’Enbridge».

Archives/Agence QMI
Archives/Agence QMI

Enfin, la société brésilienne Embraer, concurrente féroce et directe de Bombardier, a aussi figuré parmi ses clients. Son travail consistait alors, pour un temps, à manœuvrer pour s’assurer que le financement offert par Ottawa à Bombardier et à l’industrie aéronautique canadienne dans son ensemble, respecte les règles internationales de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). 

Transition énergétique

«Graham est un leader dynamique qui saura engager nos parties prenantes et l’ensemble des Québécois dans le grand projet de société qu’est la transition énergétique», déclarait par communiqué à son sujet le PDG d’Hydro-Québec, Michael Sabia, le 22 février dernier. Sa vision stratégique sera un atout pour toute notre équipe de direction. Je suis très heureux de l’accueillir parmi nous.»

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Michael Sabia, PDG d'Hydro-Québec
Michael Sabia, PDG d'Hydro-Québec Photo Pierre-Paul Poulin

Entre deux mandats de lobbyistes, sous l’enseigne d’abord de Fraser Milner Casgrain (2007 à 2011), puis de Navigator (2021 à 2024), M. Fox a occupé le poste de président et chef de la direction de l’Institut de recherche en politiques publiques (IRPP) pendant une décennie.

Natif de Montréal, M. Fox est titulaire d’un baccalauréat en histoire de l’Université Queen’s et d’une maîtrise en sciences politiques de la London School of Economics.

Dans ses nouvelles fonctions, il sera responsable des équipes du groupe actuel de Développement durable, relations avec les communautés et communications, que dirige Marc-Antoine Pouliot. Cette division regroupe un total d’un peu moins de 300 employés.

Avec la collaboration de Sylvain Larocque et de Yves Lévesque, du Bureau d’enquête.

Une embauche «en bonne et due forme», assure Hydro-Québec

Malgré ses nombreux contacts politiques et le fait, surtout, qu’il soit le fils d’une connaissance de longue date de son PDG, Michael Sabia, Hydro-Québec assure que la nomination de Graham Fox à sa vice-présidence a été faite dans les règles de l’art.

C’est que Graham Fox, jusqu’à tout récemment lobbyiste à Ottawa, est nul autre que le fils de William (Bill) Fox, un ancien journaliste et chef de bureau du Toronto Star à Ottawa et Washington, devenu par la suite secrétaire de presse et directeur des communications de l’ex-premier ministre Brian Mulroney.

William (Bill) Fox
William (Bill) Fox Photo Université Carleton

Or, il se trouve qu’après sa carrière politique, Bill Fox a été vice-président Communication et affaires publiques de Bell Canada Enterprises (BCE) et du Canadien National (CN), à l'époque où Michael Sabia occupait également des fonctions de direction au sein de ces mêmes organisations (1993 à 99 au CN; 1999 à 2008 chez BCE). Il fut en outre pdg de BCE de 2002 à 2008.

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Qu’à cela ne tienne, la direction d'Hydro-Québec repousse toute possibilité que Graham Fox ait pu être imposé à l’organisation. Voici un extrait des questions que nous lui avons posées à ce propos. 

Est-ce Michael Sabia s’estime être l’ami de Bill Fox ou de son fils Graham Fox?

«Michael Sabia connaît Graham Fox sur une base professionnelle», a répondu Hydro-Québec.

Michael Sabia
Michael Sabia Photo d'archives, Agence QMI

Est-ce que l’embauche de Graham Fox fut précédée d’un processus d’embauche normal pour le poste d’un vice-président chez Hydro-Québec?

«Oui, a répondu Hydro-Québec. Un processus d’embauche en bonne et due forme a été suivi, au cours duquel différents candidats ont été identifiés. Comme pour tout rôle à la haute direction, des entrevues d’embauche ont été menées, impliquant le PDG et certains membres du Conseil d’administration, à la suite desquelles la candidature de Graham Fox a été retenue. Celle-ci a été approuvée par le Conseil d’administration d’Hydro-Québec.»

Enfin, est-ce que Michael Sabia s’est impliqué directement ou indirectement dans le choix et l’embauche de Graham Fox à la vice-présidence d’Hydro-Québec?

«Oui, évidemment. Le PDG d’Hydro-Québec s’implique toujours, sans exception, lors de l’embauche de ses relevants directs – comme serait le cas dans toute autre entreprise.»

Avec la collaboration de Yves Lévesque, du Bureau d’enquête.

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