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L'article provient de Le Journal de Montréal
Culture

Un épisode méconnu de l’après-guerre

Viola Ardone
Viola Ardone Photo courtoisie
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Photo portrait de Karine Vilder

Karine Vilder

2021-02-13T06:00:00Z
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Dans son premier livre traduit en français, la femme de lettres Viola Ardone dévoile un pan de l’Histoire qui témoigne de la générosité et de l’esprit de solidarité de nombreux Italiens de l’après-guerre.

Ces derniers mois, grâce aux romans, on a découvert toutes sortes d’épisodes méconnus de l’Histoire. C’est au tour des trains qui ont traversé l’Italie post-mussolinienne pour transporter les enfants les plus démunis du pays vers le nord, où la nourriture était plus abondante de se faire une place dans l’Histoire. 

« J’ai constaté qu’aujourd’hui, cette histoire n’était connue que de ceux et celles qui l’avaient vécue, explique Viola Ardone, qui vit à Naples, dans le sud de l’Italie. En lisant Le train des enfants, beaucoup de gens ont pensé que j’avais tout inventé. Ce qui est quand même étrange, car pas moins de 70 000 enfants de quatre à dix ans sont montés dans ces trains. Je me considère donc chanceuse d’avoir pu raconter tout ça dans un livre, parce que j’ai donné la parole à de nombreux souvenirs qui, autrement, auraient été perdus. En discutant avec certains témoins, j’ai appris, par exemple, que la plupart d’entre eux n’avaient jamais rien dit à leurs enfants ou à leurs petits-enfants. Ils avaient honte de leur avouer avoir déjà été si pauvres durant leur enfance qu’ils avaient dû changer de famille pendant une petite partie de leur vie... »

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En voiture !

En 1946, soit un an après la fin de la Deuxième Guerre mondiale, les camarades du Parti communiste ont en effet eu une idée assez particulière : envoyer dans le nord de l’Italie le maximum d’enfants défavorisés issus des villes du sud. Comme ça, pendant au moins quelques mois, tous ces gamins pourraient manger à leur faim, porter des vêtements chauds et même aller à l’école. 

« Il n’a pas été difficile de reconstituer le contexte de l’époque, parce qu’il y avait quelques ouvrages de documentation et des recueils d’entretiens et de témoignages, souligne Viola Ardone. Le plus dur a été d’imaginer les émotions, les mots, les gestes de ces personnes, leur monde intérieur. Qu’ont ressenti les parents de ces enfants lorsqu’ils ont dû assister à leur départ ? Les petits voyageurs ont-ils pleuré en voyant leur mère disparaître à l’horizon ou étaient-ils excités par leur premier voyage en train ? Comment un enfant de Naples s’est-il senti lorsqu’il a vu la neige ? Ce sont les aspects du récit qui m’ont le plus intéressée. Et c’est pour cette raison que j’ai tenu à ce que la voix narrative soit celle d’un enfant. »

Cet enfant, ce sera le petit Amerigo Speranza, ou « Nobel » pour les intimes : à sept ans, il connaît déjà un paquet de choses. Il sait même comment ramener chaque semaine un peu d’argent chez lui, sa mère Antonietta gagnant à peine de quoi le nourrir. C’est d’ailleurs elle qui tiendra à le voir partir dans le nord. Parce qu’elle l’aime et parce qu’elle lui souhaite tout le meilleur dans la vie. Mais cette décision ne sera pas sans conséquence... 

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Un nouveau train de vie

En novembre 1946, à bord d’un train rempli d’enfants, Amerigo quittera Naples pour se rendre à Modène, où l’attendent Derna et Rosa, ses « mamans du nord ». 

Au début, les choses ne seront évidemment pas faciles-faciles, Antonietta lui manquant cruellement. Mais beaucoup plus vite qu’il ne l’aurait cru, Amerigo s’adaptera — et appréciera — sa nouvelle vie. Car en plus de pouvoir enfin porter des chaussures à sa taille, il aura la chance d’aller à l’école, de goûter au bonheur d’avoir toujours à manger, d’être fêté avec un gâteau le jour de son anniversaire et même de suivre des cours particuliers de violon. Du coup, on comprendra peut-être un peu mieux pourquoi il n’aura finalement pas si hâte que ça de revenir chez lui une fois l’expérience terminée.

« Souvent, lorsqu’ils rentraient chez eux, les enfants se sentaient partagés entre deux familles, entre deux modes de vie différents, entre deux langues : le dialecte du sud et celui du nord, précise Viola Ardone. En bref, ils ont été sauvés, mais à un prix élevé. C’est la raison pour laquelle j’ai essayé de raconter l’histoire avec ironie et simplicité : il n’était pas nécessaire de charger le ton. J’espère avoir ainsi réussi à provoquer plusieurs sourires et à arracher quelques larmes... »  

Le train des enfants
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    Viola Ardone
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    Éditions Albin Michel
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    304 pages
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