Vers un «centre d’excellence» plus modeste pour les A220
Avianor espère quand même attirer des transporteurs américains à Mirabel


Sylvain Larocque
La maintenance des avions Airbus A220 ne créera pas 1000 emplois au Québec, comme l’avait évoqué la ministre Dominique Anglade en 2016. Et il faudra des fonds publics pour mettre sur pied le « centre d’excellence » promis par Air Canada. Mais à Mirabel, Avianor ambitionne quand même d’accueillir des appareils américains dans ses installations.
Mille emplois au Québec pour l’entretien lourd de l’ancien C Series de Bombardier ? « On est très loin de ça. De mon point de vue, ce chiffre-là a toujours été un peu exagéré » confie au Journal Matthieu Duhaime, président et chef de l’exploitation d’Avianor.
Malgré tout, M. Duhaime mise grandement sur l’A220.
« Je dirais que l’ordre réaliste de croissance, c’est d’arriver à doubler la taille de l’entreprise pour passer de 250 à 300 employés jusqu’à 500 ou 600 », dit-il.
Contrat réduit
Il y a un an, Air Canada a confié à Avianor le contrat de maintenance de ses avions A220. L’entente n’est toutefois pas encore en vigueur puisqu’elle est conditionnelle à l’acquisition de Transat par Air Canada, qui attend toujours le feu vert de la Commission européenne.
De plus, en novembre, Air Canada a fait passer de 45 à 33 appareils sa commande d’A220, ce qui a réduit la taille du contrat d’Avianor. L’entreprise a suffisamment d’espace dans ses installations actuelles pour effectuer le travail.
Pour qu’un véritable « centre d’excellence » sorte de terre, Avianor aura besoin d’autres clients. Or, la plupart des grands exploitants d’avions A220 ont déjà choisi de faire faire la maintenance de leurs appareils hors du Canada. Swiss a opté pour Samco aux Pays-Bas alors qu’Air Baltic et Korean Air effectuent eux-mêmes le travail. Tout indique que Delta Air Lines et Air France prendront la même décision.
C’est sans compter qu’Air Baltic a récemment annoncé la construction d’un nouveau hangar en Lettonie avec l’objectif d’« offrir l’entretien lourd [d’avions A220] à des clients de partout dans le monde ».
Avianor fonde donc beaucoup d’espoir sur deux clients américains de l’A220 : JetBlue, qui vient de recevoir son premier appareil, et Breeze Airways, un transporteur émergent.
Crédibilité « indéniable »
« La crédibilité d’Avianor sur l’A220 est indéniable, affirme Matthieu Duhaime. Tous les clients répondent à l’appel lorsqu’on les sollicite pour discuter de l’A220 compte tenu de l’expérience qu’on a acquise avec le programme et du contrat d’Air Canada. »
Avianor connaît bien l’A220 : ses installations sont situées à deux pas de l’usine d’Airbus et l’entreprise a effectué la finition intérieure de plusieurs appareils pour Bombardier. Avianor détient pour l’instant la seule accréditation nord-américaine pour l’entretien lourd de l’A220.
Avec au moins un autre contrat en plus de celui d’Air Canada, Avianor croit être en mesure de lancer la construction d’un nouveau hangar pour l’A220, un projet de 30 à 50 millions $ qui requerrait un appui financier de Québec et d’Ottawa.
« C’est clair qu’Avianor ne peut pas financer seule un tel investissement », précise M. Duhaime.
Mais pour l’instant, les clients potentiels ont la tête ailleurs. « Malheureusement, on n’est pas en mesure de lancer ce projet-là aussi rapidement qu’on le voulait, reconnaît le dirigeant. Le marché est tellement au ralenti. »
L’an dernier, Québec a versé plus de 100 000 $ à Avianor pour la formation des 17 techniciens qui superviseront la maintenance des avions A220 d’Air Canada. Le premier appareil est attendu en novembre.
« On va être prêts pour que ce soit l’équivalent d’un arrêt au puits en Formule 1 », s’enthousiasme Matthieu Duhaime.
POURQUOI UN « CENTRE D’EXCELLENCE » ?
En 2012, Aveos est devenu insolvable après qu’Air Canada lui eut retiré ses contrats de maintenance d’avions. Par la suite, Québec a poursuivi le transporteur, lui reprochant de ne pas respecter ses obligations juridiques. En 2016, Québec a finalement accepté de laisser tomber sa poursuite lorsqu’Air Canada a commandé 45 avions C Series de Bombardier et a promis de « collaborer » à l’établissement d’un « centre d’excellence » pour la maintenance de cette gamme d’avions aujourd’hui connue sous le nom d’Airbus A220.