Un dédommagement de 1000$ par fouille à nu illégale
La pratique jugée « inappropriée » a été abolie


Roxane Trudel
Des ex-détenus qui ont subi des fouilles à nu illégales lors de leur libération recevront une compensation de 1000$ pour chacune d’entre elles, grâce à une entente avec le gouvernement du Québec.
« Sortir de prison, c’est supposé être positif. J’ai senti qu’on avait brimé mes droits, soupire Steeve Quirion, un ex-détenu qui avait commis un vol à l’époque. J’ai fait mon temps, j’ai payé pour ce que j’ai fait. Je me suis senti rabaissé. C’est comme si je n’avais plus le droit d’être à la même hauteur. »
Entre 2006 et 2011, des prisonniers détenus dans les établissements de Bordeaux, Rivière-des-Prairies, Roberval, Saint-Jérôme et Québec ont dû se plier à une fouille à nu tandis qu’ils venaient récupérer leurs effets personnels à la prison, après avoir obtenu une ordonnance de libération.
« Ça ne m’a pas aidé à sortir de la criminalité. J’avais l’impression que je ne valais rien », poursuit celui qui séjourne actuellement en maison de thérapie, dans le but de reprendre sa vie en main.
« En théorie, j’étais un homme libre à ce moment-là, témoigne un second ex-détenu, qui a demandé l’anonymat par crainte de perdre son emploi. On était obligé de passer par la fouille à nu. Je trouvais ça abusif, intrusif. Je suis pudique, ce n’est pas le fun. »
Pratique « inutile et abusive »
Ainsi, un recours collectif a été déposé en 2011 pour dénoncer la pratique « inutile » et « abusive », selon la demande. Cette dernière dénombre par ailleurs approximativement 27 600 fouilles à nu de la sorte.
« C’est comme si tu avais à en subir une dernière avant de partir pour de bon. Ça m’affecte encore aujourd’hui », poursuit le trentenaire, qui trimbalait même un couteau dans la douche jusqu’à tout récemment, par crainte d’être palpé par un inconnu.
Heureusement, après le dépôt du recours, cette fouille « inappropriée » a été abolie par les Services correctionnels, explique David Henry, directeur général de l’Association des services de réhabilitation sociale du Québec (ASRSQ).
« C’est clairement contraire à toute règle de droit et d’éthique. Jusqu’à preuve du contraire, la personne est libérée, souligne le directeur général. Même quelqu’un qui est reconnu coupable, qui a fait des choses terribles, demeure un être humain et on veut lui assurer une certaine dignité. »
Les parties se sont entendues en avril dernier sur la somme de 4 144 950$ que le gouvernement du Québec devra débourser pour indemniser les membres du groupe.
Un tabou
L’organisme espère ainsi rejoindre un maximum de personnes qui ont subi ce préjudice pour leur permettre d’être dédommagées, mais ce n’est pas si facile, notamment à cause du tabou qui entoure les ex-prisonniers et les fouilles à nu.
« Quelqu’un qui a repris sa place dans la société, qui a un travail, peut-être une famille, cette personne-là n'en aura peut-être pas entendu parler ou ne voudra peut-être pas nous appeler, mais elle a droit à cette indemnité. On essaie de briser le tabou », ajoute-t-il.
Sur le chemin de la réhabilitation, Steeve Quirion espère sincèrement que son témoignage encouragera les autres à prendre la part qui leur est due.
« Tout citoyen a le droit de se faire respecter », conclut-il fermement.
- Si vous pensez faire partie du groupe, composez le 1-888-FOUILLE.