Un conseiller financier de Desjardins puni pour avoir fait perdre plus de 500 000 $ à deux clients
Michel Bédard se vantait pourtant de faire preuve d’une «éthique irréprochable»

Sylvain Larocque
Un conseiller en placements de Desjardins s’est fait pincer pour avoir fait perdre plus de 500 000$ à deux clients en effectuant près de 450 transactions que ceux-ci n’avaient pas approuvées.
• À lire aussi: L’investisseur futé: À l’aide, j’ai besoin d’un conseiller financier!
• À lire aussi: Amende de 75 000$ de l’AMF: sanctionné pour avoir investi sans y avoir droit
Ces opérations non autorisées ont permis à Michel Bédard, de la succursale de Valeurs mobilières Desjardins (VMD) à Pointe-Claire, de toucher pas moins de 226 492$ en commissions de juin 2020 à novembre 2021.
Bédard avait décidé, à l’été 2020, d’adopter une stratégie de négociation active sur options d’achat d’actions pour ces deux clients, mais sans leur en parler.
«Cette stratégie n’était guidée par aucun objectif de rendement cible et a engendré des pertes importantes pour ces clients», lit-on dans une entente de règlement conclue en novembre entre Michel Bédard et l’Organisme canadien de réglementation des investissements (OCRI).

La première cliente, une entreprise de gestion appelée simplement GDB dans le document pour des raisons de confidentialité, a perdu près de 469 000$ avec cette stratégie complexe. Bédard a effectué 379 transactions sur options dans le compte de GDB, mais n’a discuté avec la représentante de l’entreprise que pour 24 d’entre elles.
La deuxième cliente, une fiducie familiale, a perdu près de 53 000$ à cause des transactions sur options. Michel Bédard n’avait discuté avec ses représentants que pour huit des 101 opérations effectuées.
Fausses inscriptions aux dossiers
Pour camoufler ces transactions qu’il a effectuées de son propre chef, le conseiller «a reconnu avoir créé [dans les dossiers] de fausses notes faisant état de supposées conversations» avec les deux clients, précise l’OCRI.
«À cet effet, [Bédard] a fait fi de certains rappels de la part de son employeur», souligne l’organisme.
Michel Bédard a même modifié, dans les documents officiels de Desjardins, les objectifs de placement de la cliente GDB, faisant passer de 20% à 70% la cible pour les «titres spéculatifs et stratégies boursières».
Notons qu’aucun des comptes des deux clients en cause «n’avait préalablement été approuvé à titre de compte “carte blanche”», ce qui aurait permis au conseiller d’effectuer des transactions discrétionnaires.
Bien sûr, Bédard «n’avait pas communiqué aux clientes les frais exigibles relatifs aux opérations sur options effectuées dans leurs comptes». Ces frais se sont élevés à plus de 500$ par transaction en moyenne.

Amende de 150 000$
Dans le cadre de l’entente conclue avec l’OCRI, Michel Bédard a accepté d’être suspendu pendant deux mois et de payer une amende de 150 000$, plus des frais de 10 000$.
Le Journal n’a pas réussi à joindre le conseiller. Sur son message téléphonique d’absence, il affirme, sur un air enjoué: «je serai à l’extérieur du bureau jusqu’au 28 avril 2024 inclusivement», sans faire mention des sanctions disciplinaires.
«M. Bédard n’est plus à l’emploi de Valeurs mobilières Desjardins», indique toutefois un porte-parole du groupe coopératif, Jean-Benoît Turcotti.
«Nous tenons à assurer nos membres et clients qu’il s’agit d’une situation isolée qui a été prise au sérieux», ajoute ce dernier.
L’OCRI précise que les deux clients lésés «se sont entendus avec VMD sur le montant d’une compensation», qui n’a toutefois pas été rendu public.
La page web de Michel Bédard a été mise hors service vendredi dernier, trois jours après l’annonce des sanctions de l’OCRI à son endroit.
«J’adhère aux plus hautes normes d’intégrité et de professionnalisme. Nous atteignons l’excellence par des pratiques de gestion reconnues, des principes d’affaires efficients et une éthique irréprochable», pouvait-on y lire.
En chiffres
10
Nombre d’enquêtes menées par l’OCRI au Québec en 2022-2023
250 000$
Amende infligée à la Financière Banque Nationale en 2022 (290 000$ avec les frais) pour avoir «manqué à son obligation d’établir et de maintenir des contrôles internes adéquats relativement à certaines opérations liées à des erreurs de négociation»
12 500$
Amende infligée au courtier en épargne collective Alex Eng de BMO pour s’être placé en conflit d’intérêts en falsifiant des transactions de clients dans le but d’atteindre ses objectifs personnels de ventes.
Vous avez des informations à nous communiquer à propos de cette histoire?
Écrivez-nous à l'adresse ou appelez-nous directement au 1 800-63SCOOP.