Un «comité des sages» sur l’identité de genre sans personnes trans ou experts sur le sujet


Sarah-Florence Benjamin
La ministre Suzanne Roy a dévoilé la composition du «comité de sages» formé pour étudier la question de l’identité de genre au Québec. Il ne comporte aucune personne trans ou non binaire et aucun expert ou experte ayant déjà travaillé sur la question, ce qui inquiète autant les associations que les activistes.
Le comité des sages sera présidé par Diane Lavallée, ex-présidente du Conseil du statut de la Femme. Les deux autres membres nommés sont Jean-Bernard Trudeau, ancien directeur général adjoint du Collège des médecins et Patrick Taillon, professeur de droit constitutionnel.
- Écoutez l'entrevue avec Suzanne Roy, ministre de la Famille à l’émission d’Alexandre Dubé via QUB radio :
Aux yeux de la ministre, il n’était pas nécessaire de nommer une personne trans ou non binaire ou un membre de la communauté scientifique dont les travaux portent sur les questions d’identité de genre, parce qu’il ne s’agit pas d’un comité de «représentation».
Ce comité devra rendre un rapport à l’hiver 2025 et dispose d’un budget de 800 000 $.
Comité de sages sur l’identité de genre
— Suzanne Roy (@suzanneroy_caq) December 5, 2023
Le gouvernement sera de plus en plus appelé à se prononcer sur des enjeux liés à l’identité de genre. Il faut se faire une tête sur ces questions sensibles, dans le calme et la bienveillance.
Merci aux sages qui nous accompagnent.#PolQc pic.twitter.com/t4ngxZxYGQ
«On part du principe que les personnes qui ne sont pas concernées sont neutres»
«En tant qu’organisme qui fait de l’éducation, on est bien sûr en accord avec le fait de combattre la désinformation sur ces enjeux. On peut cependant s’interroger sur ce comité de sages, sur son existence et sa composition», affirme la directrice générale du GRIS Montréal, Marie Houzeau.
«C’est étonnant qu’on ait choisi des gens qui ne sont ni concernés ni informés sur la question en les présentant comme neutres», ajoute-t-elle.
«On part du principe que les personnes qui ne sont pas concernées sont neutres, mais elles ont des opinions. C’est comme un comité nommé pour étudier l’avortement, par exemple, qui serait composé seulement d’hommes [cisgenres], c’est déjà arrivé dans le passé», poursuit-elle.
«Le gouvernement ne veut pas nous écouter»
Pour Celeste Trianon, militante trans et juriste, ces nominations démontrent une volonté d’exclure les personnes concernées du processus décisionnel.
«Le gouvernement ne veut pas nous écouter, il dévalorise la dignité des personnes trans», affirme-t-elle.
«Il existe déjà des forums au sein du gouvernement qui s’occupent de ces questions-là. On aurait pu aller chercher l’expertise de l’ordre des sexologues ou du Collège des médecins. En plus des personnes concernées, il y a des expertes reconnues en la matière, comme Annie Pullen Sansfaçon ou Françoise Susset auxquelles on aurait pu faire appel», martèle l’activiste.
Le gouvernement refuse d’utiliser la recherche et les données déjà existantes en faisant appel à un comité composé de non-experts, déplore Celeste Trianon.
«On sait déjà que les personnes trans souffrent d’une plus grande discrimination que la moyenne de la population. Les preuves existent déjà. On vit dans un contexte de plus en plus hostile envers les personnes trans et non binaire et le gouvernement devrait agir pour contrer cette haine.»
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«Est-ce une bonne utilisation des fonds publics ?»
Le comité des sages a pour mandat de collaborer avec le Conseil québécois LGBT, mais c’est la seule organisation des droits des personnes LGBTQA+ qui sera consultée dans le processus.
Même les instances déjà existantes au sein du gouvernement, comme le Bureau de lutte contre l’homophobie et la transphobie, ne sont pas mobilisées.
Le Conseil aurait déjà fait part de ses inquiétudes à la ministre Roy, sans succès, selon son directeur James Galantino.
«On s’est fait dire que le comité aurait lieu avec ou sans nous, on a donc préféré être consultés», a-t-il confié au Journal.
Alors que les organismes communautaires peinent à joindre les deux bouts, Marie Houzeau de GRIS Montréal se questionne quant au budget de 800 000$ octroyé au comité des sages.
«Est-ce une bonne utilisation des fonds publics, demande-t-elle. Alors que les organismes comme le nôtre doivent faire des miracles avec des budgets annuels faméliques de 30 ou 50 000$ ?»
Elle espère également que les travaux ne serviront pas d’excuse à remettre à plus tard des décisions gouvernementales importantes pour la protection des droits des personnes trans et non binaires.
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Mandat du comité des sages
- Brosser un portrait de la réalité québécoise
- Recenser les politiques publiques, les pratiques et les directives québécoises dans plusieurs secteurs (éducation, sports et loisirs, famille, santé et services sociaux, sécurité publique, etc.)
- Analyser leurs effets potentiels sur l’ensemble de la société québécoise.
- Recenser, comparer et analyser les politiques, directives et pratiques mises en place au sein des États comparables au Québec.
- Identifier les principaux enjeux à approfondir pour la suite.
- Collaborer avec le Conseil québécois LGBT.
— Avec Gabriel Côté, Agence QMI