Un (autre) doigt d’honneur voulu?


Jessica Lapinski
Habituellement le théâtre d’explosions de joie, la cérémonie protocolaire de l’épreuve féminine de patinage artistique s’est plutôt transformée en un mélodrame, jeudi.
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Quelques moments avant de se réunir avec les autres médaillées pour recevoir la peluche Bing Dwen Dwen, l’athlète du Comité olympique russe (ROC) Alexandra Trusova a perdu son calme devant les caméras de télévision.
« Je déteste ce sport ! » a crié à plusieurs reprises, en russe, celle qui venait pourtant de terminer deuxième.
Puis, elle a poursuivi : « Jamais de la vie... Je déteste ce sport ! Je déteste ce sport. Je déteste tout ça... je n’irai pas [à la cérémonie protocolaire], je ne veux pas y aller ! »
Mais Trusova, 17 ans, a fini par y aller à cette cérémonie. Et aux côtés de sa compatriote Anna Shcherbakova, médaillée d’or, on semble la voir, visage neutre, dresser le majeur gauche alors qu’elle empoigne la petite mascotte Bing Dwen Dwen.
En détresse
Était-ce voulu ? Et si oui, à qui ce doigt d’honneur était-il dirigé ? Aux juges ? À son entraîneur ? Trusova n’a pas eu à s’épancher sur son geste somme toute subtil, mais capté par les caméras.
Dans sa détresse, la patineuse du ROC avait aussi lancé : « Elles ont toutes une médaille d’or, pas moi ! » Une pointe lancée à l’endroit de Shcherbakova, championne du jour, et à la jeune Kamila Valieva, médaillée d’or à la compétition par équipe en attendant que la lumière soit faite sur ce test de dopage auquel elle a échoué.
Jeudi dans le programme libre, Trusova a exécuté cinq quadruples sauts, un exploit qui lui a valu la première place. Mais elle a été coulée par sa performance au programme court, mardi, et n’a pu ravir l’or à sa compatriote.
Elle s’est présentée devant les médias plus calme, plus posée. « J’ai fait tout ce que je pouvais, j’ai eu envie de pleurer alors j’ai pleuré, c’est tout, a-t-elle soufflé. Ça fait trois semaines que je suis seule, sans ma mère, sans mon chien. »
« Bien sûr, c’était beaucoup d’émotions. Et je vais réfléchir et je prendrai une décision plus tard sur ce que je vais faire dans le futur », a-t-elle ajouté.
Les majeurs russes
Ce majeur subtilement levé s’ajoute à ceux, beaucoup plus assumés, qu’a levés le patineur de vitesse longue piste du ROC Daniil Aldoshkin au terme de la demi-finale de la poursuite par équipe, mardi.
Aldoshkin, 20 ans, a dû s’excuser pour son geste. Plusieurs croyaient que ces doigts d’honneurs étaient adressés à ses adversaires du jour, les États-Unis, à un moment où les Américains, à l’instar de plusieurs pays occidentaux, condamnent une possible invasion de l’Ukraine par la Russie.
« Ce sont mes premiers Jeux, ma première médaille, a regretté le jeune patineur au site RT.com. Ça ne voulait rien dire [de négatif]. Je m’excuse à ceux que j’aurais pu offenser. »
Soupçons de tricherie, gestes disgracieux, pleurs et crises : peu importe le nombre de médailles qu’ils récolteront, les athlètes du ROC – qui n’ont pas l’autorisation de concourir sous le drapeau russe en raison d’un scandale de dopage, faut-il le rappeler – n’auront pas marqué ces Jeux pour raisons sportives...
– Avec l’AFP