Un attachement à la monarchie qui s’attrape en vivant à Londres
Des Québécoises expatriées à Londres témoignent de la réalité britannique


Hugo Duchaine
LONDRES | Deux expatriées québécoises à Londres depuis plusieurs années estiment que l’attachement à la monarchie peut s’attraper en vivant dans la capitale britannique.
« C’est devenu contagieux. Pas juste de m’en soucier, mais aussi d’être d’accord que ça fait partie de l’identité », lance Kathleen De Santiago. L’actrice de 34 ans a déménagé à Londres par amour il y a plus de sept ans.
Pourtant, sa mère l’a élevée à Québec sans cacher ses sentiments antimonarchiques, dit-elle en riant. Mais même une expatriée souverainiste peut être conquise, comme en témoigne Suzanne Lussier.
« Je suis de la génération qui a voté pour René Lévesque et “oui” aux deux référendums », souligne la femme originaire de Sorel.
Même si elle reconnaît que la monarchie « n’est pas nécessaire » à la gouvernance du pays, elle est frappée par le « besoin universel depuis toujours des humains d’avoir un symbole ».
Elle est allée porter un bouquet de fleurs coiffé d’un drapeau du Québec près du palais de Buckingham.
Selon Suzanne Lussier, la reine représentait le bon de la Grande-Bretagne, comme le sens du devoir.
Elle vit à Londres depuis plus de 25 ans. D’abord comme étudiante en histoire du costume, puis comme conservatrice d’un musée et enseignante en mode, la sexagénaire est tombée sous le charme et ne partira jamais.
« Mais je dis encore à tout le monde que le Canada est le meilleur pays au monde. C’est plus progressiste, ici ce n’est pas moderne », dit-elle.
Mais elle comprend le grand attachement des Britanniques à la souveraine. « Les enfants commencent l’école à trois ans ici et la photo de la reine est dans la classe », illustre Mme Lussier.
Un exemple à suivre
Pour Kathleen De Santiago, la monarchie « montre l’exemple » en Grande-Bretagne, contrairement aux portes tournantes de politiciens controversés.

« J’ai connu quatre premiers ministres en six ans », rappelle-t-elle.
Elle rappelle aussi le scandale de partygate pendant la pandémie, quand l’ex-premier ministre Boris Johnson tenait des fêtes débridées, pendant que les Britanniques étaient tenus de se confiner. Au même moment, la reine était photographiée aux funérailles de son mari, assise seule à l’église, pour lui dire au revoir.
Suzanne Lussier croit aussi que la stabilité de la monarchie, avant le décès de la reine, a aidé la Grande-Bretagne à traverser des crises comme le Brexit ou les turbulences du gouvernement.
Et même avec les temps difficiles qui attendent les Britanniques, avec l’inflation et le système de santé brisé, elle croit que la population restera fidèle à la Couronne.
« La monarchie ne sera jamais accusée de rien », dit-elle.
Une reine bien plus anglaise que canadienne
LONDRES | Des Britanniques endeuillés par la mort de la reine seraient aussi tristes de voir des pays comme le Canada quitter la couronne britannique, même s’ils se résignent à cette éventualité.
« Le temps est peut-être venu pour des pays de se séparer. Les générations sont différentes », remarque John Booth, âgé de 74 ans.
Le Commonwealth compte un ensemble de 56 pays, qui sont pour la plupart d’anciennes colonies britanniques. De ce nombre, le nouveau roi Charles III est le chef d’État de 14 pays, comme le Canada, l’Australie et plusieurs îles des Antilles.
Déclarer son indépendance
L’an dernier, la Barbade a déclaré son indépendance. Depuis la mort de la reine, le premier ministre d’Antigua-et-Barbuda a signalé son intérêt à tenir un référendum sur l’avenir de la monarchie sur l’île. Et au Québec, la monarchie reste impopulaire.
Pour la majorité des Britanniques rencontrés par Le Journal près du palais de Buckingham, c’était clairement la première fois qu’ils réfléchissaient à la question.
« C’est vrai, c’est aussi votre reine ! » s’étonne Kay Elliott.
« Je ne sais pas, ça vous revient, j’imagine », laisse tomber Jane Sawyer.
« Je peux comprendre que [la monarchie] peut sembler très lointaine aux autres pays », ajoute Russ Parker.
Inévitable
« Ça me paraît inévitable [que des pays choisissent de quitter la monarchie], mais c’est dur de dire dans combien de temps », croit Joe Little, l’éditeur du Majesty Magazine, qui suit les activités de la famille royale depuis plus de 40 ans.

Selon lui, les Britanniques sont conscients des liens qui unissent la Couronne avec des pays étrangers, mais il ignore à quel point ils tiennent réellement au Commonwealth.
La reine Elizabeth II est avant tout une icône très british.
« Elle fait partie de notre identité, c’est la première chose à laquelle les gens pensent quand on dit Angleterre », lance Sue Pulham.
« C’est un trésor national », renchérissent Christabel Flight et Julie Banks, qui implorent les Canadiens de suivre Charles III.
Mais même un grand mordu des Windsor comme Martin Higgins reconnaît que « la monarchie ne fait pas vraiment de sens », bien qu’il adore l’institution.
Le même amour que la reine pour les corgis
Un ancien footman de la reine Élisabeth II a tenu à aller se balader près du palais de Buckingham hier, avec ses trois chiens corgis, pour rendre hommage à la reine qu’il adorait.
« Cette femme, c’était miracle », claironne Martin Higgins, âgé de 63 ans. C’est justement à cause d’elle qu’il est devenu un mordu des chiens corgi, aussi la race préférée de la reine. Cette dernière aurait possédé une trentaine de corgis durant sa vie.

D’ailleurs, son fils Andrew, qui est tombé en disgrâce à la suite d’allégations d’agression sexuelle, a hérité des chiens royaux.
Martin Higgins explique qu’un footman est un serviteur pour les repas ou à l’heure du thé. Il a travaillé auprès de la reine trois ans dans les années 90.
Il souligne qu’il pouvait y avoir de 12 à 15 chiens chez la reine et c’est là qu’il est tombé en amour avec cette race.

Il ne tarit pas d’éloges pour le sens de l’humour de la souveraine, qui selon lui, aurait pu faire carrière comme humoriste. Il se compte aussi privilégié d’avoir pu partager une danse avec la reine, lors d’un événement au palais.
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