[PHOTOS] Cet artiste montréalais utilise une tronçonneuse pour... embellir la ville
Ses oeuvres prennent chacune une dizaine d'heures de travail et sont réalisées exclusivement à la scie à chaîne.


Louis-Philippe Messier
À Montréal, le journaliste Louis-Philippe Messier se déplace surtout à la course, son bureau dans son sac à dos, à l’affût de sujets et de gens fascinants. Il parle à tout le monde et s’intéresse à tous les milieux dans cette chronique urbaine.
Un sculpteur coiffe les troncs d’arbres coupés de Montréal de sculptures de bois taillées avec l’instrument qui leur donne normalement la mort : une scie à chaîne.
Il y a un mois, un vendeur de sapins de Noël s’ennuyait dans sa roulotte située dans le stationnement du Canadian Tire, à Angrignon.
« Je vivais là, 24/24 heures... J’avais une chainsaw et du temps libre, un ami émondeur m’a apporté une grosse bûche et je me suis mis à la tâche », raconte Do Lessard.
L’artiste de 34 ans est déjà connu pour ses imposantes œuvres murales.
Pour ses sculptures de bois, Do Lessard s’est imposé de n’utiliser que sa tronçonneuse, cet instrument qui évoque les bûcherons et les maniaques de films d'horreur de série B.
Ses œuvres gardent un aspect rugueux parce que l’artiste n’emploie pas de burin, de fermoir ou de gouge, pas de rabot ou de papier sablé.

« Ça m’a obligé à apprendre à être délicat et précis avec un outil puissant plus associé à la destruction qu’à la création », se réjouit M. Lessard.
Il me tend sa Stihl Rollomatic Mini à lame de 16 pouces... que je trouve relativement légère.

Réactions enthousiastes
« Quand on a fermé le kiosque de sapins de Noël, je suis venu poser une première œuvre sur la rue Davidson », relate-t-il.
Son chien à grosse tête et petit corps qui orne un tronc de frêne coupé du parc Lalancette, à Hochelaga, y a été vissé il y a environ une semaine.
M. Lessard a installé une autre de ses sculptures, un visage d’homme souriant ou grimaçant à une seule dent, sur un tronc de la rue Davidson près de Sainte-Catherine.

Encore sur la rue Davidson, près du parc Hochelaga, un ami artiste Philippe Saint-Denis a posé une sculpture représentant un poing.

Personne n’a encore endommagé ces œuvres qui nécessitent environ 10 heures de travail chacune.
« Je touche du bois ! » s’exclame Do Lessard en posant la main sur sa sculpture.
Son projet artistique lui est venu lorsqu'il a vu la ville abattre un gigantesque frêne victime de l'agrile.
« En attendant que l’arbre mort soit “désouché” et un nouvel arbre planté, je veux faire plaisir aux gens en exposant quelque chose de beau », résume l’artiste qui ne reçoit que des messages enthousiastes sur son compte Instagram #opire203.
Sculpter les troncs
Pour éviter de rendre ses voisins fous, ce résident d’Hochelaga-Maisonneuve va s’acheter une tronçonneuse électrique ou s’installer dans le terrain vague près des conteneurs de Ray-Mont Logistique pour ses prochaines sculptures.
« Je vais proposer à mon arrondissement un projet pour que les prochains arbres coupés le soient davantage en hauteur afin que je puisse sculpter directement dans le tronc », affirme l’artiste qui aimerait impliquer d’autres sculpteurs dans ce grand projet.
« Nous n’aurions même pas besoin d’apporter la matière : elle serait déjà là», fait-il remarquer.
J’interpelle donc le maire Pierre Lessard-Blais et les responsables de la coupe des arbres dans Hochelaga.
Si chaque frêne abattu donnait lieu à une jolie sculpture, ce serait une consolation non négligeable.
