Un an après l'élection de Donald Trump, des craintes pour la santé des Québécois
Il s'en prend aux institutions, à la recherche, aux vaccins et il propage de la désinformation


Hugo Duchaine
Peur des vaccins, discours contre la science, coupes dans la recherche et la santé publique. À peine un an après l’élection de Donald Trump, ses politiques incendiaires en santé risquent d’avoir des impacts jusqu’au Québec.
«Ça concerne les Américains d’abord, mais à terme, c’est comme un tremblement au large d’un océan. Vous savez qu’à un moment donné, le tsunami va vous toucher», s’inquiète le président-directeur général de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ), Pierre-Gerlier Forest.
Réélu président pour un second mandat, Donald Trump s’est rapidement attaqué aux institutions de santé publique, qui étaient parmi les plus réputées au monde.
Il a nommé des adeptes de théories du complot, comme Robert Kennedy Jr et le Dr Mehmet Oz, à des postes clés de son administration.

Ils sont devenus des porte-étendard de l’idéologie MAHA (Make America Healthy Again), le penchant santé du slogan MAGA (Make America Great Again).
Quatre attaques ciblées
Pour le PDG de l’INSPQ, le président Trump a déployé quatre attaques ciblées contre la santé.
Il s’en est d’abord pris aux institutions, privant le célèbre Centre pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC) du tiers de son personnel.
Il a ensuite sabré la recherche. Il a mis la hache dans la prévention des maladies en s’en prenant aux vaccins, par exemple. Il multiplie les déclarations sans fondement scientifique, comme lorsqu’il a lié le Tylenol à l’autisme.
Les conséquences sont nombreuses et elles se feront sentir jusque chez nous, plaide le Dr Forest. L’INSPQ a notamment cessé d’envoyer des stagiaires en formation au CDC.
Frontières poreuses
La lutte contre les maladies, qui se propagent au-delà des frontières, comme la maladie de Lyme ou la rage chez les animaux devient plus ardue avec la détérioration du système de surveillance américain.

«C’est inévitable, les frontières sont poreuses», dit-il.
«On ne peut plus tenir pour acquis que les Américains auront fait une partie du travail pour nous [...] C’est une obligation pour nous de se prendre en main et de voir ce qu’on peut faire avec nos moyens», poursuit le PDG de l’INSPQ, assurant être désormais en contact avec les agences européennes.
Cinq façons dont Trump s'en prend à la santé aux États-Unis
Pendant son deuxième mandat, le président américain Donald Trump n'a pas perdu de temps avant de s'en prendre aux institutions, à la recherche et aux vaccins. Son administration propage aussi de la désinformation en santé.
Démantèlement de la santé publique
Le monde entier compte sur le Centre pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC), plaide le médecin franco-américain Julien J. Cavanagh, basé à Atlanta.
«Il y a vraiment matière à s’inquiéter, le CDC endossait un rôle de leadership, installé au fil des décennies», explique le neurologue.

Il rappelle que le CDC avait permis de mettre en lumière l’épidémie de SIDA qui sévissait aux États-Unis et dans le monde, grâce à son suivi des infections.
Aujourd’hui, le tiers des employés ont quitté l’institution, selon le New York Times, soit environ 3000 par mises à pied et 1300 en congé administratif.
Des militants anti-vaccination y occupent désormais des postes de leadership.
La guerre aux vaccins
Sous Robert Kennedy Jr, les vaccins sont diabolisés aux États-Unis. Les campagnes de vaccination contre la grippe et la COVID-19 ont notamment été abolies.
«L’hésitation vaccinale est déjà bien installée dans mon bureau», dit le Dr Cavanagh. Le spécialiste en maladies auto-immunes doit souvent administrer des traitements qui rendent les patients immunosupprimés. Or, ils sont de plus en plus nombreux à refuser d’être vaccinés, malgré les risques de contracter une maladie lors de leur traitement.
Selon lui, l’explosion des cas de rougeole aux États-Unis et au Canada illustre la réticence aux vaccins.
«Nous sommes en train de ressortir de vieux manuels pour se former à la prise en charge des complications [car ces maladies n’existaient plus ou presque]», dit-il.
Moins d’argent pour la recherche
L’administration Trump a annoncé cette année qu’elle retranchait quatre milliards$ en financement de la recherche en santé dans les universités et hôpitaux du pays, via les Instituts nationaux de la santé (NIH).
Selon le New York Times, les coupes en santé affectent la recherche contre la maladie d’Alzheimer, plusieurs cancers, des maladies chroniques ou le développement de nouveaux vaccins, par exemple.
Les scientifiques se sentent aussi muselés, puisque les coupes visent aussi toutes les recherches qui touchent diverses minorités, ethniques ou sexuelles.
Les NIH étaient auparavant le premier au monde pour le financement de la recherche et l’administration en place veut aussi sabrer les projets avec des liens à l’international.
Au diable la science
«Il y a une ambiance de méfiance envers la santé publique, les médecins et la science en général», remarque le neurologue Julien J. Cavanagh, installé à Atlanta.
Des institutions auparavant réputées comme le CDC diffusent désormais des informations qui ne sont plus fiables, dit-il.
C’est sans compter les déclarations incendiaires, sans aucune preuve, que multiplie l’administration Trump.
Robert Kennedy Jr a lié à la fois le Tylenol et la circoncision à l’autisme. Il a moussé la vitamine A pour soigner la rougeole et le lait non pasteurisé, par exemple.
Alimentation douteuse
Sous la gouverne de Robert Kennedy Jr, les États-Unis devraient présenter sous peu un nouveau guide alimentaire, qui n’augure rien de bon selon le Dr Julien J. Cavanagh.
Déjà, le secrétaire d’État américain vante le suif de bœuf pour la cuisson des aliments, plutôt que les huiles. Le futur guide pourrait miser sur un régime riche en gras animal, malgré les mises en garde d’études et de nutritionnistes.
S’il salue l’effort du gouvernement pour améliorer l’alimentation des Américains, le Dr Cavanagh estime qu’il contourne le vrai problème.
«Au lieu de dire qu’il faudrait supprimer les sodas et boissons sucrées, on focalise sur des colorants», dit-il, ajoutant que même si les colorants sont nocifs rien ne les lie à l’obésité comme le sucre des boissons gazeuses.