Combats à «intensité maximale» dans l’est de l’Ukraine, la Russie rejette un plan de paix
AFP
KHARKIV | L’Ukraine a décrit jeudi une offensive militaire russe d’«intensité maximale» et une situation extrêmement difficile dans l’est de son territoire, demandant plus d’armes lourdes et dénonçant par avance toute concession «pacifiste» à la Russie, qui a rejeté avec dédain un plan de paix italien.
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«C’est dur, mais nous tenons le coup. Nous combattons pour chaque centimètre de la ligne de front, pour chaque village. Les armes occidentales nous aident à rejeter l’ennemi hors de notre terre», a écrit sur Telegram le commandant en chef des forces armées ukrainiennes, Valeriï Zaloujny.
«Nous avons grand besoin d’armes qui permettront de frapper l’ennemi à grande distance», a-t-il ajouté, soulignant que «tout délai [dans ces livraisons d’armes lourdes] se paie par la vie de gens qui protègent le monde du Ruscisme», néologisme formé des mots «Russie» et «fascisme» employé en Ukraine pour désigner le régime instauré à Moscou par Vladimir Poutine.
Sur le terrain, l’armée russe continue de progresser lentement. Après avoir échoué à prendre Kyïv et Kharkiv, elle concentre ses efforts sur la conquête complète du Donbass, le bassin industriel de l’est déjà partiellement contrôlé par des séparatistes prorusses depuis 2014.
«Pas de pacifisme faible»
Appuyée par un déluge de bombes, elle menace directement Severodonetsk, une ville de 100 000 habitants avant la guerre, qui pourrait connaître le même sort que Marioupol, la grande ville portuaire du sud-est en grande partie détruite après des semaines de siège ayant fait 20 000 morts selon Kyïv.
«La mission est extrêmement difficile dans la région de Lougansk après trois mois d’attaques et de bombardements permanents. Et maintenant, toutes les forces des Russes sont concentrées ici et nous devons contenir cette horde», a dit le gouverneur de cette région du Donbass, Serguiï Gaïdaï, sur Telegram.
«Il est clair que, petit à petit, nos gars reculent vers des positions mieux fortifiées», a-t-il ajouté.
Dans certaines zones de l’est, «l’ennemi est nettement supérieur, en équipement, en nombre de soldats», avait reconnu mercredi le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, au moment où son ministre des Affaires étrangères, Dmytro Kouleba, plaidait à Davos pour des sanctions encore renforcées contre Moscou.

«Les combats ont atteint leur intensité maximale, et une étape longue et extrêmement difficile nous attend», a résumé à Kyïv jeudi la vice-ministre de la Défense, Ganna Malyar, au cours d’un point de presse.
Elle s’est élevée contre ceux qui «ressortent, encore une fois, du tiroir honteux de Munich l’idée traîtresse d’apaiser l’agresseur».
«Nous rejetons ce pacifisme faible. L’Ukraine se battra pour la libération complète de ses territoires dans leurs frontières internationalement reconnues. Et Poutine peut se sauver la face en se retirant de nos territoires», a-t-elle ajouté, dans une allusion apparente aux appels, notamment de Paris, à ne pas humilier la Russie.
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Rejet du plan italien
De son côté, la Russie, selon des analystes, veut consolider ses gains territoriaux dans l’est et le sud de l’Ukraine avant toute solution négociée, et a rejeté avec dédain un plan de paix italien.
Ce plan prévoyait, sous garantie de l’ONU, un cessez-le-feu et le retrait des troupes, l’entrée de l’Ukraine dans l’Union européenne mais pas dans l’OTAN, et un statut d’autonomie pour le Donbass et la Crimée qui seraient restés sous la souveraineté ukrainienne.
«Il y est question que la Crimée [péninsule ukrainienne annexée par la Russie en 2014] et le Donbass [région séparatiste dont l’indépendance a été reconnue par Moscou à la veille de la guerre en février] appartiennent à l’Ukraine avec une large autonomie», a dit M. Lavrov dans un entretien avec le média russe d’État RT.
«Des responsables politiques sérieux qui veulent des résultats ne peuvent pas proposer des choses comme ça», a-t-il ajouté, s’adressant apparemment à son homologue italien, Luigi Di Maio.
La Russie poursuit donc son offensive lancée le 24 février, bombardant à nouveau jeudi Kharkiv, deuxième ville du pays, qui avait entamé un retour à la vie normale à la mi-mai et où la circulation du métro avait repris.

«Selon des informations préliminaires, sept personnes ont été blessées et malheureusement quatre sont mortes», a déclaré le gouverneur régional Oleg Sinegoubov sur Telegram.
Selon un journaliste de l’AFP, au moins un secteur résidentiel du quartier de Pavlové Polé, au centre-nord de la ville, a été touché.
Selon la présidence ukrainienne, au cours des dernières 24 heures au moins trois personnes ont été tuées à Lyssytchansk, dans la région de Lougansk, et quatre civils ont péri dans la région de Donetsk.
La présidence avait également indiqué que, dans la zone de Kharkiv, deux personnes étaient mortes dans un bombardement à Balakliya, et que deux morts avaient également été recensés dans le sud du pays, dans la région de Mykolaïv.
«Les pays qui traînent les pieds sur la fourniture d’armes lourdes à l’Ukraine doivent comprendre que chaque journée qu’ils passent à décider et à peser différents arguments, des gens sont tués», a martelé mercredi à Davos le ministre ukrainien des Affaires étrangères.
Passeport russe
Face aux inquiétudes quant à l’incapacité actuelle de l’Ukraine d'exporter ses céréales en raison du blocage de ses ports par les Russes, il a fait état de discussions de Kyïv avec les Nations unies sur la possibilité d’un passage sécurisé à partir du port d’Odessa.
Le Kremlin a balayé jeudi les accusations occidentales.
«Nous rejetons catégoriquement ces accusations et accusons à l’inverse les pays occidentaux d’avoir pris une série de mesures illégales qui ont mené à ce blocus», a déclaré le porte-parole de la présidence russe, Dmitri Peskov.
Sur le front méridional, Moscou s’affaire à consolider son emprise sur les territoires conquis depuis trois mois.
La Russie a ainsi annoncé qu’elle allait permettre aux habitants des régions de Zaporijjia et de Kherson de demander un passeport russe via une procédure simplifiée. L’Ukraine a aussitôt dénoncé un octroi «forcé» de la nationalité russe démontrant la volonté de Moscou de mener une annexion pure et simple de ces territoires.
Jeudi, à Marioupol, un responsable de la mairie a annoncé que les enfants allaient, en lieu et place des vacances d’été, suivre un programme de «dé-ukrainisation» et de préparation au programme russe, avec notamment des cours de langue, de littérature et d’histoire.
Sur le front diplomatique, le président du Conseil européen, Charles Michel, a déclaré qu’il restait «confiant» qu'il y aura un accord sur un embargo de l’Union européenne sur le pétrole russe d’ici la réunion extraordinaire du Conseil européen débutant lundi, et ce, malgré le blocage hongrois.
Le chancelier allemand, Olaf Scholz, s’est dit «convaincu» jeudi à Davos que la Russie ne gagnerait pas la guerre et que le président Vladimir Poutine ne serait pas autorisé à «dicter» la paix.