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L'article provient de Le Journal de Montréal

Ukraine: les principes et les intérêts

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Photo portrait de Joseph Facal

Joseph Facal

2022-03-22T09:00:00Z
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Il arrive que deux personnes aient des points de vue radicalement opposés et que les deux aient raison.

Vous allez me dire : normal, chacun a droit à son opinion.

Mais je ne parle pas de deux opinions contradictoires. Je parle de deux vérités objectives, basées sur les mêmes faits, conduisant pourtant à des conclusions opposées.

Comment une telle chose est-elle possible ? 

  • Écoutez l'édito de Joseph Facal à l'émission de Richard Martineau diffusée chaque jour en direct 8 h via QUB radio :

Colère

Prenez le débat autour de l’Ukraine.

D’un côté, vous avez ceux qui disent : certes, Poutine est un tyran sanguinaire, mais son invasion s’explique rationnellement et les pays occidentaux ont une lourde part de responsabilité.

L’OTAN, disent-ils, a voulu profiter de la chute de l’URSS en poussant ses pions jusqu’aux frontières russes. 

Avant d’ouvrir ses bras à l’Ukraine, l’OTAN avait déjà intégré tous les pays d’Europe de l’Est, jadis des satellites de l’URSS, et les pays baltes, jadis des républiques soviétiques.

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Intégrer l’Ukraine, c’était la provocation de trop. Poutine avait bien averti qu’il ne le permettrait jamais. 

On a provoqué l’ours et suscité sa colère.

Imaginez la réaction des États-Unis, disent-ils, si le Canada ou le Mexique voulait se joindre à leur pire ennemi. 

Appelons ce camp celui des ultra-réalistes : seuls comptent les rapports de force, les intérêts, la géopolitique. 

Le camp opposé dit : si on est sérieux quand on prétend que l’Ukraine est un pays souverain, alors elle a parfaitement le droit de choisir l’avenir qu’elle veut pour elle.

La Russie, que cela lui plaise ou pas, n’a aucun droit de dire à ses voisins ce qu’ils peuvent faire ou pas. 

C’est de l’impérialisme que de dessiner l’avenir des autres à leur place.

Appelons ce camp celui des principes.

Ici, ne me faites pas dire ce que je ne dis pas : les ultraréalistes ne défendent pas Poutine.

Ils expliquent son comportement, ce n’est pas pareil, et disent : on a tort d’être surpris. Il s’est estimé menacé et a réagi de la seule façon qu’il connaît, comme un animal dans la forêt qui attaque un promeneur insouciant. 

Ne dit-on pas de ne jamais se mettre en travers des oursons et de leur mère ?

Qui a raison ? 

Le camp réaliste et le camp des principes ont tous les deux raison, mais ils en tirent des conclusions opposées parce qu’ils habitent des univers mentaux différents.

Ils ne syntonisent pas la même longueur d’onde. Ils utilisent les mêmes mots, mais ne parlent pas la même langue.

C’est identique au dialogue de sourds entre un croyant et un athée.

L’athée demande : où sont les preuves scientifiques ? 

Le croyant répond : je n’ai pas besoin de preuves scientifiques pour croire.

Les deux positions se défendent.

Compromis

Évidemment, dans les faits, un monde sans principes serait une jungle, et un monde uniquement fondé sur des principes est une utopie.

Cela dit, dans la réalité, qui peut raisonner Poutine ? Il n’y a que la Chine. Mais l’Ukraine devra accepter de douloureux compromis.

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