Ukraine : faut-il aller se battre ?


Joseph Facal
Il y a sept jours à peine, Richard Martineau posait une question terrible : si Poutine ne recule pas, on fait quoi ?
La question pouvait sembler prématurée la semaine dernière. Elle ne l’est plus.
Loin de freiner Poutine, les sanctions occidentales le conduisent à durcir son attitude, et il a les moyens de raser l’Ukraine.
Quand vous visez des civils, comme les troupes russes le font maintenant, vous commettez un crime de guerre au sens du droit international.
- Écoutez la chronique de Joseph Facal avec Benoit Dutrizac sur QUB Radio:
Poutine s’en fout comme de sa première vodka.
Intervenir ?
Alors, on fait quoi ?
Évidemment, les sanctions occidentales comportent un éléphant dans la pièce qu’on fait semblant de ne pas voir.
Elles ne s’appliquent pas encore au gaz et au pétrole russe.
40 % de la consommation européenne en dépend.
Si le pétrole russe est boycotté, les prix à la pompe s’envoleront.
Les crises font ressortir le meilleur et le pire de l’être humain.
La belle solidarité envers le peuple ukrainien résisterait-elle si le porte-monnaie des citoyens occidentaux, si chatouilleux et si attachés à leur confort, était durement touché ?
Et même si les pays occidentaux qui s’approvisionnent auprès de la Russie lui tournaient le dos, la Chine ne condamne pas la Russie, même si elle est très contrariée, et l’Inde reste fort discrète.
Bref, comme le boycottage est pour le moment occidental et non mondial, Moscou ne serait pas totalement sans options.
D’où le retour à la question de Richard : si Poutine ne recule pas, on fait quoi ?
Rien de plus ? Entre avril et juillet 1994, nous avons laissé les Hutus massacrer 800 000 Tutsis à coups de machette.
Tout était filmé, on voyait, on savait... et nous n’avons rien fait.
Le Rwanda n’avait aucune importance stratégique et on ne craignait pas que les bourreaux s’attaquent ensuite à d’autres pays.
Il n’est pas faux de dire que notre humanisme est à géométrie variable.
À la question de Richard, Jean-François Lisée a répondu franchement dans Le Devoir de samedi : l’Occident doit intervenir militairement, malgré la menace nucléaire, malgré le risque d’une guerre quasi mondiale.
Il avance quatre arguments.
Un homme qui bombarde une centrale nucléaire est un tel risque pour l’humanité qu’il doit être stoppé par tous les moyens.
Les opinions publiques en Occident sont mitigées, mais pas massivement opposées à une action militaire combinée de l’OTAN.
Si on croit vraiment à la dignité humaine, il faut aller au-delà des mesures qui ne suffisent pas à stopper la barbarie. Les actions doivent être à la hauteur des principes.
Et si Poutine avale l’Ukraine, le signal sera donné. La Chine avalera Taiwan... et ainsi de suite.
Tragédie
C’était magnifiquement plaidé, mais cela n’arrivera pas, tout simplement parce que la Russie possède des armes nucléaires.
Vous ne trouverez pas plus belle illustration du vieux concept de dissuasion nucléaire : la crainte de l’apocalypse empêche l’affrontement direct entre deux puissances atomiques.
Et c’est et ce sera toute la tragédie du peuple ukrainien.