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L'article provient de Le Journal de Montréal
Justice et faits divers

Tué par son voisin en crise à Lac-Saint-Charles: le SPVQ appelé à revoir ses priorités

«L’issue aurait pu être différente» si le suivi avait été plus rapide, émet la coroner

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Photo portrait de Dominique Lelièvre

Dominique Lelièvre

2025-02-20T15:49:16Z
2025-02-20T21:05:58Z
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Le Service de police de la Ville de Québec (SPVQ) est pointé par la coroner pour son manque de réactivité dans l’exécution des ordonnances en santé mentale à la lumière du décès de Jacques Côté, tué par son voisin en crise psychotique à Lac-Saint-Charles en 2022.

Dans son rapport publié jeudi, à la suite de son enquête publique, la coroner Me Géhane Kamel rappelle que les parents de Kim Lebel tentaient désespérément de faire exécuter une ordonnance afin que leur fils soit hospitalisé, le 6 avril 2022.

Photos fournies par BUREAU DU CORONER et la famille de Jacques Côté
Photos fournies par BUREAU DU CORONER et la famille de Jacques Côté

Près de trois heures se sont écoulées entre le moment où la mère s’est présentée au poste de police pour remettre le document fraîchement obtenu d’un juge et celui où le lieutenant chargé de la faire appliquer en a pris connaissance.

Alors en proie à une «décompensation maniaque psychotique», Kim Lebel, 30 ans, a eu le temps de commettre l’irréparable. Les policiers mettront 12 minutes pour arriver sur la scène après le premier appel au 911.

L’homme, suivi depuis longtemps en psychiatrie, a été déclaré non criminellement responsable.

Urgence

«Considérant le critère de dangerosité nécessaire à l’obtention d’une garde provisoire par un juge de la Cour du Québec, je m’explique difficilement que ces situations ne soient pas traitées de manière urgente par le SPVQ», écrit la coroner.

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Elle invite le corps policier à «réévaluer» le niveau de priorité de ces demandes. «Si un suivi plus rapide avait été donné à l’ordonnance de garde, l’issue aurait pu être différente», avance-t-elle.

Armé d’un grattoir en métal, en pleine rue, Kim Lebel a attaqué le véhicule d’un passant et celui d’une mère de famille avant d’asséner de nombreux coups à son voisin, Jacques Côté, qui essayait d’intervenir pour le calmer.

Ce geste héroïque a probablement prévenu des blessures ou même sauvé des vies, souligne la coroner.

Le SPVQ a réagi en disant qu’il analyse «avec la plus grande attention» les recommandations de la coroner. «Nous nous gouvernerons en conséquence afin de mettre en place les ajustements nécessaires et de continuer à améliorer nos pratiques», mentionne la porte-parole Sandra Dion.

Réforme réclamée

D’autre part, la coroner s’attarde longuement dans son rapport à identifier certaines problématiques dans la prise en charge des patients en santé mentale, alors que c’est la troisième enquête menée en moins de deux ans sur ce thème au Québec.

Elle encourage vivement une révision du modèle judiciaire, qui est actuellement en chantier. Entre autres, la loi P-38, qui permet aux agents de la paix d’amener contre son gré une personne à l’hôpital, «a largement démontré ses limites», selon elle.

Elle ajoute qu’il est impératif d’impliquer davantage les familles, qui sont «trop souvent impuissantes et laissées à elles-mêmes». L’accès aux soins psychiatriques doit être facilité, insiste-t-elle. «Combien de Jacques Côté devront mourir avant de [nous] dire que nous sommes arrivés à un moment charnière pour agir?»

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L’avocat Marc Bellemare, qui a accompagné les parents de Kim Lebel dans les mois qui ont suivi les tristes événements, s’est dit déçu par le rapport, qui ne va pas assez loin selon lui.

«Ça manque de tonus sur les conclusions. Demander à la police de Québec de revoir son processus de priorité sur les interventions... franchement, il n’y en a pas de processus de priorité. C’est tout prioritaire. C’est tout de suite», déclare-t-il.

Autres constats

À Québec, la coroner déplore notamment que le service d’aide Pech ne puisse couvrir l’ensemble des demandes policières en raison d’un manque de ressources.

Enfin, Me Kamel ne remet pas en doute la qualité des soins, qui ont toujours été accomplis de manière «diligente», selon elle, envers Kim Lebel.

Elle n’adresse pas non plus de reproches à deux policiers qui sont intervenus auprès de lui, à la demande des parents, deux jours avant son passage à l’acte, puisqu’ils ne pouvaient pas en faire plus vu le cadre légal existant.

Rappelons que les parents n’avaient pas confié certaines informations à propos de menaces verbalisées par leur fils, par crainte de lui causer des ennuis avec la justice.

Quelques recommandations de la coroner Géhane Kamel

Au ministère de la Santé:

  • Compléter cette année la réflexion sur le cadre juridique entourant le partage des renseignements protégés par la confidentialité
  • Accentuer les interventions en prévention par les équipes psychosociales en collaboration avec les corps policiers
  • Former les cliniciens à l’obligation d’accompagnement et d’implication des proches

Au CIUSSS de la Capitale-Nationale:

  • S’assurer de la conclusion d’ententes de collaboration avec des services d’aide en situation de crise

Au SPVQ:

  • Réévaluer le niveau de priorité des ordonnances de garde selon le système de classification
  • Revoir son offre de service afin de s’assurer qu’une intervention policière requise en priorité 1 soit effectuée en deçà de sept minutes.

La coroner a émis un total de neuf recommandations, dont la liste complète est disponible sur le site web du Bureau du coroner.

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