Trump, toujours plus libre d’en faire à sa tête


Richard Latendresse
C’est une Maison-Blanche qui ne fonctionne comme aucune autre, en tout cas de celles que j’ai connues au cours des deux dernières décennies. L’image est en train de tourner au cliché (tant ses opposants insistent qu’ils ne veulent «No Kings»), mais on s’y comporte comme à la cour de Louis XIV: l’État, c’est Donald Trump.
Et par extension, tout part de lui et tout revient à lui. Qu’on ne se méprenne pas, la Maison-Blanche, c’est d’abord la glorification d’un seul homme. Même George W. Bush, au pire du marasme des guerres en Afghanistan et en Irak, était protégé par son entourage et ses décisions, saluées comme les meilleures «en ces temps si difficiles».
La semaine dernière nous a, une nouvelle fois, prouvé que nous servons tous «à la discrétion du président». Et quand j’écris «tous», j’inclus son entourage, les membres de son cabinet, les journalistes qui couvrent sa présidence et même les leaders étrangers qui veulent faire affaire avec les États-Unis ou espèrent tirer profit de la puissance militaire et diplomatique du pays.
«Le Canada, un pays avec lequel il est très difficile de commercer»
Les négociations sur les tarifs douaniers imposés par l’administration Trump aux exportations canadiennes progressaient péniblement. On le savait. Il apparaissait de moins en moins concevable que tous les droits de douane sur nos produits allaient disparaître.
Mais Donald Trump n’aime pas qu’on lui tienne tête, n’aime pas qu’on lui fasse la leçon sur la longue et fructueuse relation commerciale qu’Américains et Canadiens avaient développée au fil du temps.
Il ne connaît, dans ses interactions, que la loi du plus fort, le chantage et l’intimidation. C’est dans ce contexte qu’il faut voir son coup de gueule de vendredi, annonçant dans un message sur son média social qu’il mettait «fin à TOUTES les discussions sur le commerce avec le Canada» à cause de la «taxe scandaleuse» sur les services numériques.
Sur l’Iran, une version et une seule
Qu’on se le tienne pour dit, les raids américains du week-end dernier sur les installations nucléaires iraniennes ont été un succès sans précédent. C’est la version qu’impose la Maison-Blanche sans avancer de preuves.
Le secrétaire à la Défense Pete Hegseth a maintenu la ligne, en surenchérissant naturellement: «Le président Trump a dirigé l’opération militaire la plus secrète et la plus complexe de l’histoire», fermant les yeux et l’esprit à tant d’autres événements militaires majeurs, dont l’immensément plus significatif débarquement allié en Normandie en 1944.
La Maison-Blanche compte sur la même obéissance des médias. Les journalistes qui continuent d’interroger l’administration sur l’impact véritable des bombardements des sites nucléaires iraniens sont dénigrés, du Pentagone au département d’État à la salle de presse de la Maison-Blanche. Pour la porte-parole du président, réexaminer ses décisions est essentiellement antipatriotique.
De Bruxelles à la Cour suprême
Même au sommet de l’OTAN, en début de semaine, tout a été fait pour lui plaire : léger en substance, lourd en louanges. Les pays membres ont accepté de pousser leurs dépenses en défense à 5% de leur PIB, pendant que Mark Rutte, le secrétaire général de l’OTAN, utilisait l’image du daddy, du papa, pour décrire le rôle de Donald Trump dans la crise entre Israël et l’Iran. L’État... du monde, c’est lui.
Et comme s’il en avait besoin, la Cour suprême, vendredi, est venue couronner l’autorité – et l’ego – du président, en restreignant le pouvoir des juges de bloquer à l’échelle nationale ses décisions. Ils se font de plus en plus rares, les garde-fous autour de lui. Ce n’est pas du pouvoir absolu encore, mais, dans une démocratie, ça commence à y ressembler.