Trump, mission accomplie: nous ne suivons plus!


Richard Latendresse
La présidence de Donald Trump est un immense succès. Et je ne sens même pas le besoin d’énumérer les décrets exécutifs qu’il a signés, les tarifs douaniers qu’il a imposés et suspendus, et le succès qu’il prétend avoir en politique étrangère, alors que la guerre continue de faire rage en Ukraine et à Gaza. Nous sommes débordés et c’est ce qu’il souhaitait.
En campagne électorale, Donald Trump se vantait (ou affirmait simplement avec confiance): «We’re going to be doing all sorts of things nobody ever thought was even possible [Nous allons faire toutes sortes de choses que personne n’aurait crues possibles].» Pour une fois, il n’a pas menti.
Parallèlement aux décrets s’inspirant de ses promesses électorales, il n’a montré aucune gêne à régler des comptes personnels, attaquant des firmes d’avocats qui s’en étaient pris aux émeutiers du 6 janvier 2021 et tentant de casser de grandes universités qui osent résister à ses diktats.
Jamais n’avait-on vu un président dénoncer aussi ouvertement et même défier les décisions de juges, transformer de fond en comble l’état fédéral et imposer ses laquais dans tous les domaines: Kash Patel au FBI; Kari Lake à Voice of America; Richard Grenell à la tête du Kennedy Center. Au diable l’expertise!
Trump nargue, transgresse, viole des traditions, des habitudes, des lois. Puis, on nous demande pourquoi nous ne disons rien. Mercredi soir dernier explique tout.
UN FLOT INCESSANT
Tout juste avant la diffusion en direct de Contextes, les décrets présidentiels ont soudainement commencé à se bousculer. Un premier imposait une interdiction complète aux ressortissants de douze pays, dont Haïti, de se rendre aux États-Unis. Les citoyens de sept autres pays se voyaient refuser, eux, d’immigrer de façon permanente ou d’obtenir des visas de touriste ou d’étudiant.
Une décision complexe et lourde de conséquences pour des milliers, voire des millions de personnes. À peine avais-je eu le temps d’y réfléchir qu’une nouvelle mesure tombait, celle-là interdisant l’émission de visas aux étudiants étrangers devant intégrer l’Université Harvard.
Avec plus du quart de ses étudiants provenant d’ailleurs et payant, pour la majorité d’entre eux, la totalité des frais de scolarité, l’interdiction allait porter un coup dévastateur à la célèbre université. Encore fallait-il fouiller un peu pour comprendre la démarche et les intentions de la Maison-Blanche.
DU TEMPS? OUBLIEZ ÇA!
Ce n’était pas tout. Dans sa volonté mesquine de réduire à rien la réputation de son prédécesseur, Trump a signé, toujours mercredi soir, un mémorandum appelant une enquête sur l’entourage de Joe Biden, qu’il soupçonne d’avoir «comploté» pour masquer son déclin mental et physique.
Allégations fondées ou ridicules, il aurait fallu y accorder un peu d’attention, creuser les prétentions de la Maison-Blanche. Impossible, bien sûr.
Donald Trump a réussi son coup. À l’initiative de Steve Bannon, son ancien conseiller, il «floods the zone», inonde l’espace public, les journalistes et les citoyens de nouvelles, entremêlées de rumeurs, de déclarations provocantes, mais aussi de décrets et de décisions aux effets concerts sur la société américaine et le reste du monde.

Et se noie dans tout cela notre capacité à approfondir, à séparer le bon du mauvais. Peu importe, dans un sens; le lendemain, de nulle part, les deux milliardaires narcissiques Donald Trump et Elon Musk en venaient aux insultes après s’être dit qu’ils s’aimaient tant. Tout le monde passait à autre chose.
Ce président réussira à tout faire accepter, non pas par la persuasion et le bon sens, mais le martelage et la stupeur dans laquelle il laisse ceux et celles qui pourraient lui donner la réplique. C’est là qu’il se trouve, le succès de cette présidence.