Trump menace le Venezuela: on décortique deux opérations catastrophiques de la CIA

Gabriel Ouimet
La multiplication des attaques et des menaces de Donald Trump contre le régime de Nicolas Maduro fait craindre une éventuelle intervention armée au Venezuela, ravivant les souvenirs d’opérations qui ont eu des effets dévastateurs en Amérique latine.
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Pendant la Guerre froide, les services secrets américains (CIA) ont soutenu des politiciens et des factions militaires de droite pour freiner la prolifération du communisme dans le monde.
Ces opérations ont mené à des changements de régime qui ont entraîné une forte baisse «en matière de démocratie, d'État de droit, de liberté d'expression et de libertés civiles » dans cinq pays d’Amérique latine, indique une étude publiée en 2023 dans le European Journal of Political Economy.
Le spectre d’une intervention américaine plane maintenant au-dessus du Venezuela, alors que Donald Trump a autorisé la CIA à y mener des opérations secrètes tout en déclarant que les jours du président Nicolas Maduro étaient comptés.

On décortique deux cas méconnus qui illustrent les conséquences potentiellement catastrophiques de ces opérations.
Opération «PBSuccess»: le début de près de 40 ans de violences au Guatemala
Au milieu des années 1950, les services secrets américains (CIA) planifient un coup d’État afin de renverser le président du Guatemala, Jacobo Arbenz, qui avait été élu lors de la première élection démocratique organisée dans le pays en 1951.
L’opération, baptisée PBSucess, visait à éliminer «la menace que représentait le gouvernement actuel du Guatemala, contrôlé par les communistes», et combinait une guerre psychologique ainsi que des actions économiques, diplomatiques et paramilitaires, selon une analyse déclassifiée de la CIA reprise dans l'étude de 2023.
Au cœur des inquiétudes de Washington: une réforme agraire impliquant la saisie des parties inexploitées de grandes plantations appartenant à d’importantes entreprises américaines.
Des agents de la CIA s’installent donc au Honduras voisin, afin de former un groupe rebelle dirigé par le général guatémaltèque Carlos Castillo Armas.
Sa mission est de chasser Jacobo Arbenz et de mettre fin aux politiques pouvant nuire aux intérêts des Américains dans le pays.
Castillo s’empare du pouvoir en 1954, plongeant le Guatemala dans une succession de régimes militaires oppressifs à la solde des Américains et une guerre civile de 36 ans. Plus de 200 000 civils, dont 166 000 Mayas, ont perdu la vie pendant cette période.
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Opération «Brother Sam»: des militaires proaméricains s’emparent du pouvoir Brésil
En mars 1964, l’armée brésilienne renverse le président de gauche João Goulart. Le coup survient après qu’il a promis de nationaliser des raffineries de pétrole et des terres agricoles appartenant à des entreprises étrangères.
Campagnes de désinformation, financement des politiciens de l’opposition, organisations de violentes manifestations: les États-Unis ont joué un rôle central afin de miner la confiance du public envers le gouvernement dans les mois qui ont précédé le coup d’État, révèlent des documents publics rédigés par l’ambassadeur américain en poste à l’époque.
Le plan de la CIA, baptisé «Brother Sam», prévoyait aussi le déploiement de navires de guerre au large du Brésil afin de soutenir l’armée locale en cas de difficulté. Cette partie du plan des services secrets américains n'a finalement jamais eu lieu en raison de la rapidité avec laquelle l'armée a chassé João Goulart.
La dictature militaire soutenue par Washington s’est maintenue au pouvoir pendant 21 ans. Elle a été caractérisée par le meurtre, la torture et la disparition de centaines de militants de l’opposition. La Commission nationale de la vérité fondée après l'élection de Dilema Rousseff, en 2011, estime toutefois que les abus du régime ont provoqué la mort de plus de 8500 autochtones.
- Avec les informations de CNN et du Washington Post