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L'article provient de Le Journal de Montréal
Monde

Trump et ses critiques: pas question d’en rire

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Photo portrait de Richard Latendresse

Richard Latendresse

2025-09-19T19:30:00Z
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La liberté d’expression étouffe aux États-Unis. Et Donald Trump lui-même serre l’étau. Que le président participe à ce supplice est bouleversant et déplorable. Surprenant? Surtout pas.

Donald Trump n’a rien de sophistiqué, et on ne le répétera jamais assez. Sa fortune doit beaucoup à son père et son image de businessman efficace à une émission de téléréalité. Derrière le vernis, il reste un homme sans subtilité. Et dangereux.

La preuve? Son contrôle croissant auprès des médias. Jimmy Kimmel, l’un de ses critiques les plus drôles, a été suspendu. Plus tôt cet été, Stephen Colbert apprenait que son Late Show disparaîtrait à la fin de la saison. Deux voix populaires réduites au silence.

De la suite dans les idées

Trump a toujours nourri une hargne contre ceux qui se moquent de lui. Il n’a jamais pardonné à Barack Obama de l’avoir tourné en ridicule devant des milliers d’entre nous, réunis en 2011 au souper des correspondants de la Maison-Blanche.

Et c’est lui qui a, plus que quiconque, alimenté la méfiance envers les journalistes, en nous traitant d’«ennemis du peuple» pour avoir relevé ses incohérences et ses mensonges.

Fort de sa reconquête de la Maison-Blanche, il a franchi les étapes une à une: des insultes aux menaces, des menaces aux poursuites, des poursuites aux pressions politiques. Aujourd’hui, c’est l’appareil d’État qui sert à bâillonner ses détracteurs. Un réflexe autoritaire qu’on ne peut pas ignorer.

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L’argent d’abord, les blagues ensuite

Ces suspensions en disent, à mon avis, autant sur le cynisme des méga-corporations américaines que sur l’état de la liberté d’expression en 2025. En d’autres mots: Follow the money!

La famille Redstone, propriétaire de Paramount Global, avait besoin du feu vert de la Commission fédérale des communications (FCC, l’équivalent de notre CRTC) pour fusionner avec Skydance Media, une transaction de huit milliards de dollars. Comme par hasard, l’entente a été approuvée peu après l’annonce de l’annulation du Late Show de Colbert qui faisait de Trump sa cible favorite.

Rire aux larmes

Le sort de Jimmy Kimmel dépend d’intérêts encore plus complexes. Disney, maison mère d’ABC, convoite l’acquisition du réseau NFL par ESPN. Nexstar, qui diffusait Jimmy Kimmel Live!, attend l’aval de l’administration pour racheter son concurrent Tegna, une transaction de 6,2 milliards $.

Donald Trump profite de ces machinations financières pour museler ses critiques. Et il ne se gêne pas pour le reconnaître. «J’adore que Colbert ait été renvoyé», lançait-il en juillet. Et jeudi encore, de retour d’Angleterre: «Jimmy Kimmel n’a aucun talent. Il aurait dû être renvoyé depuis longtemps».

Je persiste à croire que Trump n’a ni plan sombre ni stratégie machiavélique. Il a seulement l’ego fragile d’un homme incapable d’encaisser une blague. Et ce sont les autres qui s’enrichissent de sa susceptibilité. Franchement pas drôle.

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