Publicité
L'article provient de Le Journal de Montréal
Monde

Trump 2.0 ou l’ère de la complaisance obligée

Exigence inavouée ou réflexe machinal, Donald Trump parvient souvent à imposer complaisance et révérence à ceux et celles qui l’approchent.
Exigence inavouée ou réflexe machinal, Donald Trump parvient souvent à imposer complaisance et révérence à ceux et celles qui l’approchent. Photo Richard Latendresse
Partager
Photo portrait de Richard Latendresse

Richard Latendresse

2025-09-06T04:00:00Z
Partager

Il y a de ces commotions qui ne laissent pas de trace physique, mais qui ébranlent longtemps après qu’elles se sont produites. Ce qui continue de secouer les correspondants à la Maison-Blanche, c’est cette interminable réunion du cabinet de Donald Trump il y a une douzaine de jours.

Trois longues heures à écouter le président américain dispenser sa sagesse en quelques mots, toujours les mêmes, mais aussi à absorber auparavant les commentaires de ses ministres à son endroit, chacun plus louangeur que l’autre.

Dans cette Cabinet Room aux allures de plateau de The Apprentice, l’émission de télé-réalité où Trump s’est construit de toutes pièces une image d’homme d’affaires infaillible, ces hommes et ces femmes – cinquantenaires et soixantenaires pour la plupart – se sont évertués à féliciter le président et à l’assurer qu’ils s’investissaient entièrement dans l’accomplissement de ses objectifs.

Une servilité sans gêne

Une étonnante assemblée de flagorneurs, pire encore que ce que j’avais observé au cours de son premier mandat. À l’époque, il restait un ou une ministre par-ci par-là, se contentant de saluer le travail de leurs employés plutôt que de béatement vanter l’autorité du leader suprême.

Photo Richard Latendresse
Photo Richard Latendresse

C’est ce qu’avait fait James Mattis, le secrétaire à la Défense, qui s’en était tenu à saluer le dévouement des troupes. À l’autre extrémité, Mike Pence, le vice-président, s’était montré le plus visqueux dans son admiration pour son patron.

Publicité

D’ailleurs, preuve que Donald Trump commande à tous la fidélité, mais n’en offre à personne, James Mattis – un ancien général des Marines respecté de tous – a fini par être évincé du gouvernement et dénigré par le président comme le «général à la réputation la plus surfaite au monde». Quant à Mike Pence, Trump n’a rien fait le 6 janvier 2021 pour calmer ses partisans qui réclamaient qu’on le pende sur la colline du Capitole.

Je ne parvenais pas à ce moment-là, pas plus qu’aujourd’hui, à m’expliquer comment des adultes accomplis pouvaient ainsi s’humilier. Donald Trump n’a pas aligné que des deux de pique auprès de lui: il a assemblé le cabinet le plus riche de l’histoire des États-Unis. Sans même compter sa propre fortune, le magazine Forbes estime que ses principaux conseillers valent 7,5 milliards de dollars.

Peu importe le succès

Pas un secteur ne semble échapper à cette servilité, à cette flatterie devenue machinale. Et qu’on n’invoque surtout pas la supposée indocilité des géants de la haute technologie. Jeudi soir, ils avaient été invités à souper à la Maison-Blanche. Le président avait prévu les accueillir dans le Rose Garden nouvellement bétonné, mais la météo en a voulu autrement et ils ont dû se contenter de l’humble State Dining Room.

Et dans un remake à peine moins gênant que la séance du cabinet, les PDG de tout ce qui brille à Silicon Valley ont multiplié les éloges à l’égard de leur hôte, du «Merci pour votre leadership!» de Sundar Pichai, le patron de Google, au plus généreux encore «Merci pour tout ce que vous faites!» de Safra Catz, dirigeante d’Oracle, en passant par l’avilissant «C’est incroyable de me retrouver avec tous ces gens ici, particulièrement vous et la première dame» de Tim Cook, le PDG d’Apple.

On me dira qu’il n’y a pas de bassesse trop abjecte pour la business. Reste que c’est une emprise ahurissante que Donald Trump exerce sur tous ceux et celles qui l’approchent. Il faut s’en souvenir lorsque l’envie nous prend de vouloir l’écarter.

Publicité
Publicité