Truites, cactus, moutons, champignons et vignobles: bienvenue à Montréal, capitale de l'agriculture urbaine
De nombreuses initiatives agricoles proviennent de la métropole québécoise


Mathieu-Robert Sauvé
On y pêche des truites et y fait brouter des moutons, on y récolte des cactus et fait pousser des champignons. Non, nous ne sommes pas à la campagne, mais bien à Montréal, capitale de l’agriculture urbaine.
«À partir de 2011, quand les Fermes Lufa ont construit les premières serres commerciales sur toit au monde, Montréal s’est imposée comme modèle international de l’agriculture urbaine. Aujourd’hui on peut parler de capitale», s'enthousiasme Éric Duchemin, directeur scientifique du Laboratoire sur l’agriculture urbaine.
Tant d’activité agricole dans une ville nordique au long hiver peut paraître étonnant. Mais pour le fondateur de la Centrale agricole, Jean-Philippe Vermette, c’est une réalité justifiée par la logique.
«On n’a pas la météo idéale pour l’agriculture traditionnelle, mais avec un peu d’imagination, on peut faire des merveilles», signale ce diplômé en sciences de l’environnement.

Électricité et imagination
C’est qu’on trouve à Montréal des immeubles vastes, solides et bien isolés, construits dans l’âge d’or de la période industrielle. Ils se prêtent bien à la reconversion écologique.
En raison de l’électricité «verte» et peu coûteuse produite par Hydro-Québec, il est possible de faire pousser n’importe quoi à l’intérieur.
La coopérative d’organismes qu’il a créée en 2019, située dans l'arrondissement Ahuntsic-Cartierville, fait l’envie d’agriculteurs urbains des quatre coins du monde.
«Des délégations de Français sont venues étudier notre concept; on a reçu des délégations du Brésil et de plusieurs pays du Maghreb.»
Huit mois de récolte
«À Montréal, on sème dès le mois de février dans les serres et on récolte sur huit ou neuf mois par an», reprend M. Duchemin, qui annonce l’arrivée, sous peu, de tomates biologiques québécoises capables de satisfaire la demande pour les produits locaux.
En plus des fruits et légumes des fermes Lufa et des nombreuses ruches installées partout sur l’île, des dizaines d’autres initiatives d’agriculture ont fait leur chemin dans la métropole québécoise depuis 10 ans. Parmi elles :
- Opercule, une pisciculture qui fournit restaurants et épiceries en omble chevalier (appelée aussi truite rouge);
- Succurbaine, un organisme qui fait pousser et vend des cactus;
- Lieux communs, une entreprise dont les vignes sur les toits produisent du vin;
- BigBloc, une serre où l’on fait pousser des champignons;
- Biquette, une OBNL comptant 17 moutons qui «remplacent les tondeuses» dans les parcs.
- Polliflora, un organisme qui milite pour planter des fleurs mellifères (anciennement Miel Montréal).

Écologique
Ce phénomène est un atout économique reconnu par Tourisme Montréal, qui prépare un grand portrait de l’agriculture urbaine pour août prochain.
Dans son dernier rapport daté de 2021, le Centre de recherche, d’expertise et de transfert en agriculture urbaine du Québec dénombrait 125 entreprises spécialisées, surtout à Montréal, mais aussi à Québec, Saguenay et ailleurs.
Parmi les tendances, on note un intérêt pour l’économie circulaire et une augmentation des ventes en ligne. De plus, le marché fortement ralenti par la pandémie reprenait de la vigueur.
Bienvenue à la Centrale agricole... à condition de s’entraider
On passe de surprise en surprise lors de la visite guidée de l’immeuble de la rue Legendre, entre le Marché central et le Canadian Tire jouxtant la 40. Trente organismes font partie de la coopérative d’économie circulaire.
Qu'est-ce que l'économie circulaire? «Un système de production, d’échange et de consommation visant à optimiser l’utilisation des ressources à toutes les étapes du cycle de vie d’un bien ou d’un service, dans une logique circulaire, tout en réduisant l’empreinte environnementale et en contribuant au bien-être des individus et des collectivités», selon le Pôle québécois de concertation en économie circulaire.
Le concept même de la Centrale agricole s’inscrit dans les valeurs des jeunes qui la composent. Trente organismes en font actuellement partie : du sous-sol où l'on pêche de l’omble chevalier jusqu’au sommet de l’édifice où pousserait «la plus importante plantation de vignes sur toit au monde», selon les administrateurs.
«Pour être admis dans la coop, chaque organisme doit faire la démonstration qu’il participera à au moins un autre coopté. Par exemple, les rejets de la pisciculture servent d’engrais sur les étages», explique Laurence, la responsable des communications.
En retour, les membres ont droit à des services communs comme des chambres de réfrigération et congélation et des déshydrateurs industriels.
D’autres initiatives agricoles:
On sème
Laurence Deschamps-Léger et Sara Maranda-Gauvin, amies depuis l’université et partageant une passion pour l’agriculture, ont créé On sème en 2016.
Elles organisent depuis des activités en lien avec l’agriculture urbaine, la biodiversité, l’environnement et l'artisanat local.
Cultiver Montréal
Cultiver Montréal «rassemble, accompagne, soutient et fait rayonner toutes les formes dʼagricultures urbaines et périurbaines du Grand Montréal».
L’organisme organise des tournées des sites et est à l’origine de la Fête des semences (en février) et du festival Cultiver Montréal (du 28 avril au 10 juin).
https://www.cultivermontreal.ca/
