Trop de Blancs au TNM?


Sophie Durocher
Vous n’en avez pas marre des dirigeants culturels qui sont obsédés par les races? Et qui, au lieu de parler d’art, de talent, de culture, sont obsédés par la couleur de peau des artistes ET des spectateurs?
Récemment, je vous parlais d’un programme en humour réservé aux humoristes noirs. Aujourd’hui, je vous parle d’un directeur de théâtre qui trouve sa clientèle trop... blanche!
Les coupables sont blancs
Dans une entrevue du Devoir, on apprend que le TNM éprouve des soucis financiers: «un déficit de 536 000$ pour 2024 sur un chiffre d’affaires de 10,5 M$ par an».
Pour s’en sortir, le théâtre de la rue Sainte-Catherine doit s’assurer de remplir ses salles. Mais attention, pas avec n’importe qui!
«On ne peut absolument pas laisser tomber le public actuel. C’est lui qui fait que le TNM perdure.» Mais avec un âge moyen de 54 ans, le spectateur lambda est vieillissant, et majoritairement blanc. «Il y a un enjeu d’avenir. On a un travail à faire, dans un futur rapproché, pour renouveler notre public», a déclaré le directeur artistique, Geoffrey Gaquère, au Devoir.
Que le théâtre souhaite voir des jeunes s’abonner pour assurer l’avenir de son public, c’est une chose (même si ça ressemble à de l’âgisme). Mais en quoi la couleur de peau des spectateurs a quoi que ce soit à voir avec l’avenir du théâtre? Quand le directeur parle de «renouveler son public», ça signifie qu’être blanc, c’est bien, mais ne pas être blanc, c’est mieux? Les Noirs, les Asiatiques, les Latinos sont un public plus intéressant? Depuis quand la couleur de peau d’un spectateur est un critère de sélection?
L’entendez-vous, la petite musique qui dit qu’être blanc, c’est ringard? Tasse-toi mononcle, faut qu’on se «renouvelle»!
C’est une lectrice qui m’a écrit pour me souligner ce texte, car elle a «tiqué» en lisant ce passage dans Le Devoir.
«Je fais partie des abonnés du TNM et cette déclaration du directeur artistique du TNM me laisse perplexe. Veut-on discriminer la clientèle culturelle selon la couleur de la peau? On semble vouloir éjecter le public dont la peau est blanche, même s’il mentionne ne pas vouloir laisser tomber le public actuel (est-ce juste en attendant?). Le TNM ne devrait-il pas s’interroger plutôt sur le fait que Montréal s’anglicise à vitesse grand V? Pour apprécier le théâtre francophone, le prérequis est la maîtrise de la langue et non la couleur de la peau! La couleur de peau de la personne qui assiste à une pièce de théâtre m’importe peu.
«Dans plusieurs domaines, la discrimination selon la couleur de la peau se fait sentir. Là, elle atteint une autre dimension. Jusqu’où cette dérive ira-t-elle?»
Race de monde
En 2018, quand a éclaté le scandale autour de SLĀV au TNM, Robert Lepage et Betty Bonifassi se faisaient accuser d’appropriation culturelle. Lucas Charlie Rose, l’artiste hip-hop qui a organisé les manifestations devant le théâtre, disait à Radio-Canada: «Les Blancs ne devraient pas profiter de l’histoire, de la culture et de la souffrance des Noirs.»
Sept ans plus tard, le TNM s’obstine à voir le monde... en noir et blanc.
Mais je ne suis pas sûre que ses vieux abonnés blancs vont aimer se faire dire qu’ils sont un mal nécessaire.