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L'article provient de Bureau d'enquête

Trois «résidences principales» sur Airbnb: un proprio raconte comment il a pu facilement déjouer les règles

Ni la Ville de Montréal ni le ministère du Tourisme n’ont exigé de preuve de résidence

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Dominique Cambron-Goulet, Anouk Lebel et Jean-Philippe Guilbault

2024-06-30T04:00:00Z
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Un propriétaire explique qu’il a facilement pu contourner les règles pour louer plusieurs résidences principales sur Airbnb, parce que les municipalités n’exigent aucune preuve.

Edgar* loue à l’année sur Airbnb plusieurs logements d’un même immeuble situé à Montréal. Il peut le faire grâce à trois numéros d’enregistrement de la Corporation de l’industrie touristique du Québec (CITQ) de «résidences principales». Un est à son nom, un au nom de sa conjointe et un au nom d’un «locataire».

Le couple réside pourtant en Outaouais et le «locataire» à l’extérieur de la métropole. Il soutient utiliser un des appartements comme «pied-à-terre» quand il vient à Montréal.

Edgar a accepté de nous confier à quel point il était facile de contourner la loi, en échange de l’anonymat.

«Je suis allé [aux bureaux de la Ville] et ils m’ont fait les certificats à la main sur-le-champ pour moi et ma conjointe», affirme-t-il.

Il rapporte qu’on ne lui a demandé aucune preuve de résidence. 

Edgar admet qu'il ne louerait jamais sa véritable résidence principale sur Airbnb avec ses effets personnels à l'intérieur. «Ma conjointe ne voudrait pas», dit-il. 

  • Écoutez les explications du journaliste Dominique Cambron-Goulet via QUB :

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Renouvellement express

Selon Edgar, le ministère du Tourisme n’est pas plus méticuleux. Seules des photos de l’annonce et une preuve d’assurance sont demandées, quand on est propriétaire de l’immeuble.

Il assure n’avoir eu à fournir aucune autre preuve d’adresse que le certificat de la Ville pour obtenir son numéro de la CITQ.

Pire encore, quand est venu le temps de renouveler, il a pu payer deux permis avec la même carte de crédit.

«Pour ma conjointe, ça boguait, alors j’ai pris ma propre carte de crédit. Je m’attendais à recevoir quelque chose par la poste, mais le lendemain par courriel j’avais la confirmation de renouvellement», dit-il.

Jamais il n’a été embêté par les autorités, ou n’a reçu d’amende, alors qu’il loue les logements depuis plus d’un an maintenant. 

TOMA ICZKOVITS
TOMA ICZKOVITS

Montréal serre la vis

Le responsable de l’habitation au comité exécutif de la Ville de Montréal, Benoît Dorais, reconnaît que la situation des fausses résidences principales affichées sur Airbnb est problématique.

«On ne peut pas demander le papier qui prouve que vous avez une résidence principale. Il n’existe pas», illustre-t-il.

Voyant que la vérification était déficiente, la Ville de Québec exige depuis avril un avis de cotisation de Revenu Québec ou de l’Agende de revenu du Canada comme preuve d’adresse.

«[Avant], on se fiait à la CITQ. Il n’y avait pas d’exigences», convient Mélissa Coulombe-Leduc, responsable de l’urbanisme au comité exécutif de la Ville de Québec.

Montréal vient d’emboîter le pas dans certains arrondissements.

«Depuis les dernières semaines, c’est demandé comme une barrière à l’entrée. Mais un avis de cotisation ce n’est pas plus une preuve de résidence principale de la même manière qu’une facture d’Hydro-Québec ne prouve pas que c’est votre résidence principale», admet Benoit Dorais.

Pour ajouter au contrôle, les demandeurs devront se présenter en personne aux bureaux d’arrondissement. Ils ne pourront plus procéder par procuration, ajoute l’élu.

D’autres villes, comme Laval et Longueuil, n’exigent pas de document si l’adresse de correspondance du propriétaire pour les taxes foncières est la même que celle de l’immeuble.

*Nom fictif

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