Trois entreprises liées à ArriveCAN ont récolté plus de 1 milliard en 13 ans


Raphaël Pirro
Les trois entreprises les plus étroitement impliquées dans le développement de l’application mobile ArriveCAN ont reçu plus d’un milliard de dollars en contrats accordés par le fédéral dans les 13 dernières années.
Le quotidien torontois Globe & Mail a rapporté ce chiffre après avoir obtenu une copie de certains documents transférés aux membres du comité parlementaire sur les comptes publics, qui enquête depuis le début de l’année sur la mauvaise gestion du dossier ArriveCAN.
Les trois amigos
Les trois entreprises sont Coradix Technology Consulting, Dalian Technologies et GC Strategies. Ces deux dernières n’ont que deux personnes à l’emploi chacune, leur travail consistant principalement à servir d’entremetteuses entre la fonction publique fédérale et des boîtes de TI capables de fournir le service recherché.
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Lors des 13 dernières années, toujours selon les documents obtenus par le Globe & Mail, Ottawa a conclu 445 contrats avec Dalian Technologies, pour une valeur totale de 127,8 M$, et 105 contrats avec GC Strategies, pour un total de 100,3 M$.
Les trois entreprises sont suspendues de tout contrat gouvernemental et des enquêtes sont en cours. La Gendarmerie royale du Canada (GRC) mène sa propre enquête dans le dossier.
L’arbre qui cache la forêt
Ces chiffres démontrent que la dépendance du gouvernement aux sous-traitants externes, surtout dans le domaine des technologies de l’information (TI), ne peut être rejetée sur le dos de la pandémie de COVID-19 et du contexte d’urgence de l’époque, selon la professeure de politique Geneviève Tellier de l’Université d’Ottawa.
«J’ai l’impression que le gouvernement a un peu perdu le contrôle de la situation. Est-ce que c’est devenu tellement routinier qu’on a perdu la forêt derrière l’arbre? Je me demande jusqu’à quel point c’est la pointe de l’iceberg», se questionne-t-elle.
Pas de lanceurs d’alerte
Une situation aussi déséquilibrée aurait pu mener un ou des fonctionnaires à tirer la sonnette d’alarme, estime la professeure Tellier. Or, cela ne s’est pas produit.
«Il y en a dont ça fait l’affaire, et il y en a d’autres qui sont indignés, mais qui ne font pas les démarches pour le dénoncer. Donc, il y a un problème plus profond, qui est probablement une question de culture, de leadership, ou alors une question organisationnelle.»
Les entreprises sont sous le feu des parlementaires depuis le dépôt du rapport dévastateur de la vérificatrice générale Karen Hogan, en début d’année, qui a estimé à près de 60 M$ le coût du développement et de l’opérationnalisation d’ArriveCAN.
Cette histoire a levé le voile sur un certain dysfonctionnement au sein de la fonction publique fédérale, notamment en ce qui a trait à l’attribution de contrats.
Les membres du comité des comptes publics poursuivent leur enquête et entendront la présidente de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) mardi.
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