Établissements de santé: Christian Dubé se donne trois ans pour abolir le recours aux agences privées
Québec veut mettre fin à ce système qui lui coûte très cher

Patrick Bellerose
Le ministre Christian Dubé se donne trois ans pour interdire aux établissements de santé de faire appel aux agences privées. Mais son plan compte en grande partie sur le succès de sa collègue Sonia LeBel dans la renégociation des conventions collectives.
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«Malheureusement, avec le temps, le recours aux agences est devenu un mode de gestion», a déploré le ministre en présentant son projet de loi 10.
Québec, dit-il, veut se «libérer» de ce «cercle vicieux» où les hôpitaux, CHSLD et autres paient le fort prix pour combler des quarts de travail avec des infirmières, préposés aux bénéficiaires et auxiliaires familiales fournies par le privé.
Pour y arriver, le gouvernement Legault se donne un calendrier ambitieux. D’ici un an, les établissements en «secteurs urbains» devront avoir mis un terme à leurs ententes. Les «secteurs mitoyens» devront faire de même en 2025, puis les secteurs éloignés en 2026.
Beaucoup de détails demeurent toutefois à régler par voie de règlement, dont les établissements visés précisément par l’échéancier, ainsi que le tarif horaire maximum qui sera imposé aux agences d’ici là.
Les propriétaires d’agence et les responsables d’établissements qui voudront contourner la loi s’exposeront à de lourdes amendes: jusqu’à 75 000$ pour une première infraction et 150 000$ en cas de récidive (voir encadré).
- Écoutez l'entrevue avec Patrice Lapointe, président de l’Association des entreprises privées de personnel soignant du Québec, à l’émission de Mario Dumont diffusée chaque jour en direct 15h50 via QUB radio:
Gros contrat pour LeBel
Pour inciter les quelque 11 278 «équivalents temps complet» du privé (dont 2894 infirmières) à revenir dans le réseau, la présidente du Conseil du trésor, Sonia LeBel, devra toutefois réussir à bonifier les conditions de travail.
Ça passe notamment par une gestion locale des horaires, afin de diminuer le recours aux heures supplémentaires obligatoires. Mais le ministre souhaite aussi pouvoir offrir plus de «flexibilité» dans les horaires et des salaires différents aux infirmières sur appel versus celles qui travaillent de 8 à 4.
Au-delà des agences privées, M. Dubé fait valoir que Québec a besoin de mettre fin à l’exode du personnel: 20 000 employés quittent le réseau chaque année, en plus de 10 000 qui partent à la retraite. «Je dis souvent qu'on n'a pas juste un problème d'attraction, on a un problème de rétention», dit-il.
Le ministère de la Santé estime qu’il aura besoin d’attirer environ 120 000 travailleurs dans le réseau dans les cinq prochaines années.
- Écoutez l'entrevue avec l'infirmière en agence Enya Jaime à l’émission de Philippe-Vincent Foisy via QUB radio:
Beaucoup de choses à régler
Même s’il appuie «l’objectif» du projet de loi, le député libéral André Fortin fait remarquer que les milieux de travail devront devenir plus attractifs.
«Les infirmières qui sont dans les agences, elles ont choisi de quitter le réseau pour une raison», dit-il en citant les conditions de travail, le manque de flexibilité dans les horaires et les conditions salariales.
«De ces trois enjeux-là, il n’y a pas grand-chose qui a été réglé jusqu’à maintenant», déplore-t-il.
Ce qui va changer
- Fin graduelle du recours aux agences privées d’ici 2026.
- D’ici là, Québec leur imposera un taux horaire maximum.
- Amendes (jusqu’à 75 000$) en cas d’infraction: par exemple si un établissement offre des quarts de travail favorables aux agences privées.
- Clause de non-concurrence: une infirmière qui travaille pour une agence privée ne pourra revenir dans le réseau public pendant 90 jours.
- Salaire différent pour les infirmières qui acceptent de travailler sur des horaires défavorables.
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