Départ de travailleurs étrangers temporaires d'un hôtel à Rivière-du-Loup: «On pleure avec nos employés»
Une hôtelière déplore qu’elle doive renvoyer ces employés vers leur pays d'origine


David Descôteaux
Des employés temporaires étrangers d’un hôtel à Rivière-du-Loup devront quitter le Québec en raison du resserrement du Programme fédéral des travailleurs étrangers temporaires (PTET) avec des conséquences autant économiques qu’humaines.
Joanna Lortie, directrice de l’Hôtel Universel, a dû annoncer à ses employés étrangers qu’ils devront abandonner leur emploi et retourner chez eux. Certains sont ici depuis des années, ont tout laissé derrière eux... et se retrouvent aujourd’hui expulsés, faute de permis renouvelé.
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Elle peine à cacher son désarroi devant son incapacité à renouveler les permis de plusieurs de ses travailleurs.
«Notre enjeu principal, c’est beaucoup au niveau des cuisines et de l’entretien ménager, dit-elle. Et des cuisiniers, il n’y en a pas».
Mais derrière les chiffres, ce sont surtout des vies chamboulées.
«On a des employés étrangers qui travaillent ici depuis trois ou quatre ans. Ils ont tout laissé derrière eux, et aujourd’hui, on doit leur dire qu’ils devront repartir».
La plupart de ces travailleurs viennent d'aussi loin que Madagascar, le Congo et le Maroc. D’autres viennent du Mexique.
Joanna Lortie raconte avoir vécu un un moment particulièrement difficile.
«J’ai pris une employée dans mes bras et on a pleuré toutes les deux. Son mari travaille dans une manufacture de Rivière-du-Loup, elle, ici à l’hôtel. Mais comme on a dépassé la limite permise de travailleurs, on n’a pas pu renouveler son permis».
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Un moratoire
Pour elle, comme pour bien d’autres, il est urgent de mettre en place un moratoire.
«On demande simplement de garder ceux qui sont déjà là, qu’on a formés, qui ont un logement, une vie ici. C’est inhumain de les renvoyer.»
Selon une étude du Conseil québécois des ressources humaines en tourisme (CQRHT) réalisée pour l’Association hôtellerie du Québec (AHQ), trois hôteliers sur quatre anticipent des conséquences graves d’ici un an, allant jusqu’à des fermetures.
Depuis un an, les nouvelles règles limitent l’accès à cette main-d’œuvre devenue indispensable pour compenser la pénurie chronique dans le secteur. Déjà, plus d’un tiers des établissements sondés rapportent une dégradation: baisse de la qualité du service, menus restreints, retards dans des projets d’investissement. Ce qui commence à se refléter directement sur l’expérience des voyageurs.
Des projets sur la glace
Du côté de l’AHQ, le message est clair: ce sont les grands établissements et ceux avec service de restauration qui risquent le plus gros. La PDG de l'association, Véronyque Tremblay, cite l’exemple d’un hôtel qui vient d’investir plus d’un million de dollars pour agrandir.
«Le projet est menacé parce qu’ils n’arrivent pas à garder leurs travailleurs étrangers. Comment investir sans main-d’œuvre?»
Elle souligne aussi la difficulté de recruter localement.
«Même quand des candidatures arrivent, elles ne correspondent pas aux exigences. Pour un cuisinier dans un gros restaurant, il faut de l’expérience. On ne peut pas improviser. Même des postes de réceptionnistes, le soir ou la nuit, restent vacants.»
Pendant que des vies sont chamboulées, de plus en plus d’hôteliers, à bout de souffle, redoutent de «tomber au combat» dans les prochains mois.
«Ce qu’on est en train de faire n’a pas d’allure», conclut Joanna Lortie.
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Principaux changements du programme
- Baisse de 30% à 10% de travailleurs étrangers temporaires permis au sein d’une entreprise;
- Hausse de 20% du salaire horaire initial requis pour les travailleurs considérés comme à haut salaire;
- Réduction de la période de validité des études d’impact sur le marché du travail;
- Réduction à un an de la durée maximale d’emploi pour les travailleurs étrangers temporaires.
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