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L'article provient de Le Journal de Montréal
Opinions

Travailleurs en vacances: l’urgent besoin de prendre le temps de vivre

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Photo portrait de Isabelle Maréchal

Isabelle Maréchal

2025-07-19T04:00:00Z
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Le Québec se met sur pause pour deux semaines. Pas question de penser «à la job» pour les 200 000 travailleurs de la construction désormais en congé. Ils iront se perdre dans le bois avec les chums, planter leur tente quelque part au Québec ou se baigner dans la cour avec les enfants.

Chacun se permettra un certain voyage, parfois tout près de la maison, faute de moyens. Ou plus loin, pour «se dépayser un peu», «sauf aux États!» comme disait ce travailleur de chantier qui a économisé toute l’année pour se payer un séjour mémorable. Ailleurs. De nos jours, ça reste l’ultime gros luxe.

On dit «partir, c’est mourir un peu». Au contraire. Il y a quelque chose dans la poésie du voyage qui mérite qu’on s’y attarde. Ce n’est pas seulement d’être en mouvement ou de quitter ce qu’on connaît. C’est aller à la rencontre de ce moment suspendu où le cœur s’ouvre plus grand, où les yeux s’élargissent devant l’inconnu, où tout devient plus vaste.

La vie douce

Ce n’est pas que le déplacement physique, c’est un basculement intérieur. Une façon de se laisser chavirer par l’inhabituel. Une manière de dire à la vie: «Attends, je veux savourer ce moment. Ici, maintenant!»

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Parfois, le voyage prend le goût du soleil mûr, comme une ode à la douceur de vivre. Un appel à une lenteur précieuse. On réapprend soudainement à exister avec légèreté. À boire notre café sans penser aux factures qui s’empilent. À admirer le fleuve et sentir que tout est là.

On part pour se rappeler que vivre n’a pas besoin d’être une performance. C’est un état d’esprit qui permet de se vider la tête des tracas du quotidien. On s’autorise la paresse, la contemplation, l’émerveillement. Sans culpabilité.

Partir pour mieux revenir

Il m’est arrivé d’être si touchée par un paysage que j’aurais tout donné pour que le temps s’arrête. Non parce qu’il était spectaculaire, mais parce qu’il me ramenait à l’essentiel. Tout à coup, je respirais mieux.

Car le voyage, c’est consentir à être touché autrement. Par une lumière, des odeurs, des sons qui percent l’armure de nos vies ordinaires. C’est faire de la place pour autre chose. Une version de soi plus libre et plus attentive à ceux qu’on aime.

On croit partir pour voir du pays. Mais ça permet surtout de mieux comprendre ce qu’on a laissé derrière. Certains lieux nous soignent. D’autres nous ébranlent. Des endroits nous révèlent. Des routes nous réparent.

Et il y a de ces voyages dont on ne revient jamais complètement. Ce qu’on a vu, senti, vécu loin de notre train-train routinier est venu mettre en mots ce qu’on n’arrivait plus à nommer ici.

Prenons le risque de partir. Même si c’est pas loin. Gardons au fond de nos valises et du cœur un peu de cette poésie qui fait de chaque voyage une manière de revenir à soi.

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