Traquer soi-même les pédophiles: une fausse bonne idée

TVA Nouvelles
Deux Gatinois ont lancé une véritable chasse aux pédophiles, pendant laquelle ils contactent des hommes sur les réseaux sociaux en se faisant passer pour des ados qui veulent les rencontrer. La police met toutefois en garde contre cette initiative qui peut avoir de lourdes conséquences.
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Le modus operandi de Joey Chartrand est simple: il se fait passer pour un adolescent de 14 ans et planifie des rencontres avec des hommes sur des sites de rencontre dans le but d’avoir des relations sexuelles. Celui-ci se présente par la suite au rendez-vous avec son cousin, où ils filment les présumés pédophiles pour les exposer sur les réseaux sociaux.
Les deux justiciers du web assurent vouloir protéger les enfants. En trois jours, M. Chartrand dit avoir confronté cinq hommes en personne.
Il maintient toutefois que sur les 80 personnes avec qui il a discuté sur les applications de rencontre, seulement deux ont cessé de lui parler lorsqu’il leur a mentionné avoir 14 ans.
«Ils disent que c’est correct, il n’y a pas de trouble, il ne faut pas juste trop en parler», laisse tomber Joey Chartrand en entrevue à TVA Nouvelles.
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Déconseillé
Celui-ci a l’impression de bien faire avec cette traque improvisée aux pédophiles, mais la police de Gatineau déconseille ce genre d’initiative citoyenne «pour de multiples raisons».
«Ça peut être dangereux, on ne sait pas comment ces gens [qui se font filmer] vont réagir, mais ça peut se terminer en bagarre», souligne Andrée East, porte-parole du Service de police de la Ville de Gatineau.
L’agente explique également que cela peut mettre en péril des enquêtes policières en cours. «Si ces individus faisaient déjà l’objet d’une enquête, ça peut ruiner tout notre travail, parce qu’ils risquent de se débarrasser du matériel [illégal]», rapporte-t-elle.
«Ils ont l’impression qu’ils aident, mais pour nous, ils peuvent vraiment nuire», poursuit-elle.
D’autant plus que les preuves amassées par Joey Chartrand ne seraient pas admissibles devant un juge.
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«Il y a des balises claires à respecter dans ce type d’enquête pour que la preuve soit admissible. Devant la cour, on ne peut pas prouver une infraction quand on suggère une intention», résume l’agente East.
L’initiative de ces deux citoyens pourrait même se revirer contre eux. Selon la porte-parole, ils s’exposent à des poursuites au civil en diffamation pour leurs vidéos publiées sur les réseaux sociaux.
La police de Gatineau insiste également pour dire que les corps policiers ont des ressources dédiées pour lutter contre la pornographie juvénile, même si chaque arrestation n’est pas nécessairement médiatisée.
De son côté, Joey Chartrand n’a pas l’intention de s’arrêter là. Pour lui, les peines aux pédophiles ne sont pas suffisamment importantes pour les dissuader.
- Avec Maxime Deland