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L'article provient de TVA Nouvelles

Tragédie de Lac-Mégantic, 10 ans plus tard: «Il fallait que j’efface ma réalité»

La fille d’une victime du déraillement de train a sombré dans la drogue après le drame

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Photo portrait de Jérémy Bernier

Jérémy Bernier

2023-07-01T04:00:00Z
2023-07-01T12:30:45Z
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La fille d’une victime du déraillement de train à Lac-Mégantic en 2013 a fui la ville et s’est enfoncée dans l’enfer de la drogue après le drame, dans une tentative de «survie autodestructrice», avant de reprendre goût à la vie des années plus tard.

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«Je savais que ça n’allait pas être toute ma vie. Mais je me disais que j’en avais besoin pour éviter de me pendre. Il fallait que j’efface ma réalité», raconte Mégane Turcotte, rencontrée à Saint-Georges, en Beauce, près de 10 ans après la tragédie.

Le 6 juillet 2013, sa mère, Diane Bizier, s’était rendue au Musi-Café de Lac-Mégantic comme elle le faisait presque chaque week-end pour rencontrer des amis. Elle se trouvait avec son conjoint, qui, lui, a quitté la soirée un peu plus tôt.

Diane Bizier, la mère de Mégane Turcotte, a perdu la vie lors de la tragédie de Lac-Mégantic, le 6 juillet 2013.
Diane Bizier, la mère de Mégane Turcotte, a perdu la vie lors de la tragédie de Lac-Mégantic, le 6 juillet 2013. Photo fournie par Mégane Turcotte

De son côté, Mégane Turcotte s’était endormie vers minuit après avoir gardé les enfants du propriétaire du Musi-Café de l’époque. Mais elle s’est réveillée quelques heures plus tard, en entendant parler à l’extérieur et en voyant qu’il faisait «clair comme en plein jour».

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«Quand je suis sortie, j’ai vu mon frère en train de parler avec sa blonde. Je leur ai demandé ce qu’il se passait. Leur regard voulait tout dire...», relate émotivement Mme Turcotte. 

C’est à ce moment qu’elle a appris que le centre-ville était en feu et que leur mère était introuvable.  

Descente aux enfers

«Au fond de moi, je sentais que je ne reverrais plus ma mère, même si je ne voulais pas me l’avouer. Encore aujourd’hui, c’est comme si je n’avais jamais vraiment réalisé ce qu’il nous était arrivé», affirme la jeune femme aujourd’hui âgée de 27 ans. 

S’en est suivie une véritable descente aux enfers pour Mégane Turcotte, qui s’est mise à consommer cannabis et cocaïne en quantité toujours plus importante, pour «couper ses émotions».  

Mégane Turcotte a repris goût à la vie après avoir vu l'un de ses proches mettre fin à la sienne.
Mégane Turcotte a repris goût à la vie après avoir vu l'un de ses proches mettre fin à la sienne. DIDIER DEBUSSCHERE/JOURNAL DE QUÉBEC

C’est aussi durant cette période qu’elle a fui la ville de son enfance, «défigurée et triste», qu’elle s’est mise à fréquenter un homme qui est rapidement devenu toxique et violent, et qu’elle flirtait avec l’idée de s’enlever la vie. 

«Je n’étais pas prête à affronter la perte de ma mère, ça me faisait tellement mal en dedans, constamment. Et j’avais peur qu’un autre événement survienne et emporte mes proches un à un», explique Mme Turcotte. 

Une «urgence» de vivre

Quelques années plus tard, l’un de ses collègues de travail a mis fin à ses jours à la suite d’une peine d’amour. C’est à ce moment qu’elle a réalisé qu’elle avait la vie devant elle et qu’elle voulait être heureuse.

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«Ça m’a donné une claque au visage, j’ai ressenti une urgence de vivre. Je me suis mise à voir tout ce que l’avenir pouvait m’offrir», raconte la jeune femme, qui a cherché de l’aide pour reprendre sa vie en main et s’éloigner de sa fréquentation toxique. 

Mme Turcotte a décidé de regarder vers l’avant et effectue actuellement un DEP en soutien informatique. Elle compte même suivre des cours de programmation de jeux vidéo à l’université par la suite. 

Il s'agit d'une des dernières photos de Diane Bizier et sa fille Mégane Turcotte, prise lors du bal des finissants de cette dernière, quelques semaines avant la tragédie.
Il s'agit d'une des dernières photos de Diane Bizier et sa fille Mégane Turcotte, prise lors du bal des finissants de cette dernière, quelques semaines avant la tragédie. Photo fournie par Mégane Turcotte

La douleur rattachée à la ville de Lac-Mégantic demeure toutefois trop importante, même 10 ans plus tard, pour que la jeune femme envisage de s’y réinstaller un jour.

«Mais c’est important qu’on se souvienne de cette tragédie-là. Pour ma mère et toutes les autres victimes qui n’avaient rien demandé. Pour ma part, je sais qu’elle garde un œil sur moi», conclut-elle. 

Mégane Turcotte publiera un livre intitulé «Amour mortel» en octobre prochain qui portera sur sa vision des années qui ont suivi le déraillement de train à Lac-Mégantic et l'impact que le drame a eu sur sa vie.

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