Traduction des jugements en français: le juge Dennis Galiatsatos ne pouvait pas trancher
La Cour d’appel a rendu une décision très sévère envers le juge de la Cour du Québec


Anouk Lebel
Un juge de la Cour du Québec «n’avait pas la compétence» pour se prononcer sur l’obligation de traduire en français immédiatement et sans délai un jugement rendu en anglais, a conclu la Cour d’appel dans une décision très sévère.
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«Amorcer, conduire et résoudre ce débat, unilatéralement et par anticipation, comme le juge a tenté de le faire ici, outrepassait largement les limites de sa compétence», peut-on lire dans un jugement du plus haut tribunal de la province dont les motifs ont été rendus dans les derniers jours.
En mai 2024, le juge Dennis Galiatsatos avait causé un tollé en tranchant sur la validité constitutionnelle de l’article 10 de la nouvelle Charte de la langue française, plus connue sous le nom de «loi 101», qui exige que les jugements rendus en anglais soient traduits en français «immédiatement et sans délai».
En prévision du procès de Christine Pryde, accusée de négligence criminelle ayant causé la mort d’un cycliste, il avait soulevé des inquiétudes quant aux délais de traduction.
Il avait conclu que l’expression «immédiatement et sans délai» était «incompatible avec la procédure criminelle».
Pas le droit
Québec avait alors annoncé son intention de faire appel du jugement, qualifié de très «particulier» par le ministre de la Justice Simon Jolin-Barette.
Voilà que le jugement de la Cour d’appel est cinglant: le juge Galiatsatos n’avait pas le droit de se pencher de cette façon sur l’article 10 de la Charte de la langue française comme modifié par la loi 96.
«Peut-être y avait-il ici matière à un débat constitutionnel en bonne et due forme sur l’applicabilité de l’article 10 en matière criminelle. On peut légitimement se le demander. [...] Mais un juge ne peut pas trancher une question qui concerne la validité constitutionnelle d’une disposition légale sans s’être vu attribuer la compétence pour le faire», peut-on lire dans le document de 40 pages.
Lacunes
Les juges Yves-Marie Morissette, Patrick Healy et Lori Renée Weitzman soulignent aussi plusieurs lacunes dans la procédure suivie par le juge Galiatsatos, notamment la «précipitation avec laquelle la procédure a suivi son cours».
Ils affirment que le juge «a forcé la main» des parties et «leur a imposé, envers et contre tous, un cadre inadéquat» pour résoudre des questions dictées par lui.
«On ne tranche pas de cette façon, à partir de pures hypothèses, dans un cadre procédural déficient et sans l’éclairage d’un contexte bien documenté, une question comme celle sur laquelle le juge s’est prononcé», concluent-ils.
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