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L'article provient de TVA Nouvelles
Affaires

«Tout le monde te met des bâtons dans les roues»: une Québécoise restaure une maison patrimoniale contre vents et marées

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Photo portrait de Félix  Desjardins

Félix Desjardins

2025-06-14T04:00:00Z
2025-06-14T13:55:36Z
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Il faut avoir une «tête de cochon» pour restaurer une maison patrimoniale, croit une Québécoise qui s’est butée à de nombreux obstacles depuis le début de son projet. 

Caroline Perron et son mari sont tombés sous le charme d’une maison ancestrale, et pas n’importe quelle: l’ancienne demeure du géant de la littérature québécoise Claude-Henri Grignon, auteur d’Un homme et son péché, située à Sainte-Adèle.

Maison Ancestrale Caroline Perron Il s'agit de l'ancienne maison de Claude-Henri Grignon, auteur d'«Un homme et son péché.» 10 juin 2025 BEN PELOSSE / LE JOURNAL DE MONTRÉAL
Maison Ancestrale Caroline Perron Il s'agit de l'ancienne maison de Claude-Henri Grignon, auteur d'«Un homme et son péché.» 10 juin 2025 BEN PELOSSE / LE JOURNAL DE MONTRÉAL Photo Ben Pelosse

Photo Ben Pelosse
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Des travaux vitaux 

Photo Ben Pelosse
Photo Ben Pelosse

Vendue par un couple d’octogénaires, la maison en décrépitude était sur le marché depuis plus de deux ans; les acheteurs potentiels étaient refroidis à chaque instance par l’accablant rapport d’inspection.

«Elle a presque 200 ans, cette maison, décrit Mme Perron. Des troncs d’arbres soutiennent la maison. Personne ne voulait l’acheter, mais ça ne me faisait pas peur, ces travaux.»

Photo Ben Pelosse
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Forts de leur expertise respective de calorifugeuse et d’ouvreur en pavage, Mme Perron et son mari ont déboursé 370 000$ pour faire l’acquisition de ce pan d’histoire québécoise et prévoient injecter environ 40 000$ dans les travaux.

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L’ajout d’un drain français, névralgique pour éviter les infiltrations d’eau, était au sommet des priorités. Le statut de maison patrimoniale de la demeure unifamiliale est toutefois venu compliquer les choses.

Photo Ben Pelosse
Photo Ben Pelosse

«C’était pour la survie de la maison, explique-t-elle. Mais comme ça touchait légèrement l’extérieur de la maison, on m’a refusé trois demandes de permis pour du niaisage de mots et ç’a pris cinq mois. C’était pathétique.»

Un exemple résume à merveille ces embûches bureaucratiques: elle a essuyé un refus pour son utilisation du mot «CanExel» [marque de revêtement extérieur] dans son plan de restauration. Un employé de la municipalité lui a expliqué qu’elle devait plutôt employer un produit «Maibec» pour respecter les normes patrimoniales. Seul problème: il s’agit de la même compagnie depuis 2020...

Au-delà de la façade

Antiquaire et experte en restauration de meubles anciens et de maisons ancestrales, Maude Rochefort milite pour la préservation du patrimoine bâti depuis des décennies. Elle s’explique mal pourquoi les normes sont aussi strictes pour la façade des bâtiments patrimoniaux, mais aussi indulgentes pour leur intérieur.

«Certaines maisons ancestrales mises en vente sont dénaturées, estime-t-elle. Quand on voit la maison à l’extérieur, elle est magnifique, mais quand on ouvre la porte, on rentre dans une coquille vide. Je trouve ça dommage qu’au Québec, nos ancestrales ne soient pas protégées à l’intérieur.»

Courtoisie Maude Rochefort
Courtoisie Maude Rochefort

À ses yeux, l’achat d’une bâtisse patrimoniale vient avec un lot de responsabilités. Et tous les travaux de rénovation effectués dans une maison du genre devraient être réversibles.

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«Il ne faut pas la dénaturer: la maison va nous survivre. Même si on n’a pas les moyens pour faire tous les travaux afin de la rendre top shape, on doit faire du mieux qu’on peut pour que la maison continue à vivre.»

«Présentement, au Québec, la roue n’est pas facile à tourner. Les gens sont habitués à travailler avec des entrepreneurs, mais il faut faire appel à des artisans. Pour le commun des mortels, il faut qu’en achetant la maison, on ait des contacts et qu’on ait l’expertise de gens qui connaissent la maison et le patrimoine bâti.»

Des trésors du passé
Photo Ben Pelosse
Photo Ben Pelosse

Prise au dépourvu, Mme Perron a finalement recouru aux services d’un conseiller pour l’aider dans ses demandes de permis et a pu satisfaire aux exigences de la municipalité.

Photo Ben Pelosse
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Elle est aujourd’hui à mi-chemin dans ses travaux et est en voie de restaurer l’apparence originale de la maison, construite approximativement en 1850.

Photo Ben Pelosse
Photo Ben Pelosse

«J’ai tout enlevé ce que les propriétaires avaient mis et j’ai retrouvé l’apparence d’origine. Il y a des planches qui datent de plus de 100 ans et il y a encore le bureau intact de Claude-Henri Grignon.

«C’est bien de donner un statut patrimonial aux maisons, mais il faudrait que le gouvernement nous aide à préserver ça. Il faut être “ostineux” et avoir une tête de cochon pour réaliser ce genre de projets.»

Pas d’assureur québécois 

Même si Caroline Perron est parvenue à recevoir un prêt hypothécaire de Desjardins, la caisse populaire a refusé d’assurer sa maison patrimoniale sous le prétexte d’un problème informatique.

Après avoir vu ses demandes de soumission déclinées par toutes les compagnies d’assurance québécoises, y compris Desjardins, elle a dû se tourner vers une entreprise britanno-colombienne, Square One.

«C’était déjà quelque chose à hypothéquer, mais vu qu’elle a 175 ans, personne ne voulait toucher à ça, raconte-t-elle. Le représentant de Desjardins m’a dit qu’il ne pouvait pas m’assurer parce que son système informatique n’allait pas plus loin que 120 ans.»

Par courriel, Desjardins Assurances a toutefois confirmé qu’il n’y avait pas de directive de refuser systématiquement d’assurer les maisons d’un certain âge.

Notons que le Bureau d’assurances du Canada offre un service d’accompagnement pour les propriétaires de maisons patrimoniales qui peinent à dénicher une assurance habitation.

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