Tout le monde aime Ginette

Sophie Durocher
Ça m’a frappée en regardant le palmarès des groupes les plus marquants du Québec ...
Beau Dommage. Les Cowboys fringants. Harmonium. Dans cet ordre-là. Mais c’est... la Sainte Trinité: le Père, le Fils et le Saint-Esprit!
En effet quand on regarde ça, on se dit que Beau Dommage, c’est LE groupe incontournable, celui qui a dicté la marche à suivre pour tous ceux qui ont suivi, en faisant entrer la ville, l’urbanité, dans l’imaginaire chansonnier québécois plutôt folklorico-rural jusque-là.
Les Cowboys, c’est les fils (et la fille), donc les héritiers. Avec le sublime Karl Tremblay à la voix et le mégatalentueux Jean-François Pauzé aux textes, ils ont chanté la peur de vieillir et les désillusions.
Et Harmonium, c’est clairement l’esprit saint, digne représentant de cette spiritualité un peu «encens, patchouli et nouvel âge» de Fiori et sa bande.
Qu’est ce qui fait un bon groupe? Qu’est-ce qui fait qu’un groupe est «marquant»? Ce n’est pas seulement qu’il passe à l’histoire. Ce n’est pas seulement le fait qu’on continue à fredonner ses tounes même quand deux membres sur quatre sont morts (comme les Beatles). Ce qui fait qu’un groupe est marquant, c’est quand il occupe une place unique dans l’imaginaire collectif d’une société.
Les trois groupes qui occupent les trois premières places de notre palmarès sont là parce qu’ils parlent de Nous. Oui, Nous avec un N majuscule! Leurs chansons font partie de l’ADN du Québec. Tout le monde sait quel est le prénom de la fille qui met de la brume dans les lunettes de son admirateur. Tout le monde sait que quand on a mis quelqu’un au monde, on devrait peut-être l’écouter. Tout le monde sait que la meilleure façon pour que notre amour nous frôle, quand on en a tant besoin, c’est de mettre notre tête sur son épaule.
Quand Karl Tremblay est mort, on a tous été envahis par une vague de tristesse. Mais ce qui m’a le plus touchée, c’est quand on a vu des Québécois issus de l’immigration raconter que c’est en écoutant les Cowboys qu’ils ont appris le français ou appris des expressions québécoises. Comme ce Français qui a écrit dans la page Facebook des Cowboys: «Cela peut paraître con, mais j’ai changé de pays pour mon job de rêve dans un studio de jeu vidéo et les Cowboys fringants ont été ma première expérience de la culture québécoise qui vient du fond du cœur.»
«C’est dans les chansons qu’on apprend la vie», chantait Jean Lapointe. Et c’est dans les chansons des plus grands groupes québécois qu’on apprend à devenir québécois.